Précisons tout d’abord qu’il me semble nécessaire de défendre la cause de toutes le minorités stigmatisées injustement et souvent opprimées avec une violence intolérable. Récemment je me suis d’ailleurs réjouis sincèrement en apprenant qu’en Inde l’homosexualité avait été dépénalisée[1]. Comment peut-on croire que de nos jours certaines personnes puissent être poursuivies et condamnées pour leur orientation sexuelle ? De la même manière, j’ai été choqué par le sort subi par cet acteur molesté en pleine rue pour avoir enlacé son compagnon[2]et j’espère que la justice saura être intransigeante. Je comprends donc totalement le besoin que peut ressentir une minorité attaquée fréquemment de se faire entendre, de manifester ses revendications lors de regroupements populaires du type « gay pride ». Ce n’est pas seulement un besoin mais une nécessité, d’ailleurs le droit de manifester est inhérent à notre société et doit toujours être protégé institutionnellement.
Cependant une limite ne devrait pas être dépassée, et pourtant elle me semble atteinte par différentes actions instiguées par le mouvement LGBT avec le concours du gouvernement français. Un mouvement qui passe d’un objectif de mobilisation, de mise en lumière à un objectif d’influenceur sociétal, de conditionnement idéologique et cela me gêne particulièrement. Quoiqu’en pensent les différents acteurs contribuant à hystériser le débat, il existe pour moi une majorité de français éduqués et donc s’étant forgé une nature tolérante et pacifique. Me considérant comme membre de ce groupe étendu, l’injonction à « penser d’une certaine manière », l’impression de subir une autorité morale supérieure m’est particulièrement insupportable. Certains me rétorqueront que nos modes de pensées actuels sont le fruit d’un conditionnement culturel et idéologique bien plus ancien ; c’est peut-être bien le cas, cependant je ne souhaite pas remplacer un conditionnement par un autre. Si émancipation il doit y avoir, elle doit être le fruit de ma propre réflexion personnelle et de ma propre liberté de conscience. Je vois donc avec méfiance la multiplication des actions de cet omniprésent lobby. Par exemple, j’ai du mal à comprendre l’organisation des JO gay l’été dernier à Paris[3] : une compétition « ouverte à tous », prônant la tolérance mais qui porte un nom qui semble plutôt évoquer une forme de communautarisme ; pourquoi ne pas les avoir appeler JO de la tolérance ? Encore plus étonnant d’apprendre à quel point le gouvernement et les pouvoirs publics ont pris une part active à cet événement officiellement « sous le haut patronage du Président de la République »[4] : un budget d’environ 4 millions d’euros pour 25 pourcents assurés par un financement publique[5].
Bien sur il n’y a pas lieu ici de contester l’attribution des subventions publiques mais comment expliquer le zèle clairement affiché par nos gouvernants et politiques : François de Rugy qui se félicite que l’Assemblée Nationale soit pavoisée aux couleurs du drapeau arc en ciel LGBT à l’occasion de la Marche des fiertés[6], Marlène Schiappa remplaçant le drapeau Français sur son profil twitter[7]ou encore Anne Hidalgo et les passages piétons au couleur LGBT[8]. Il est rare de voir ces éminentes figures politiques françaises défendre avec tant d’ardeur communicationnelles d’autres causes… démarche sincère ? Effet de mode ? Opportunisme politique et/ou idéologique ? Qui sait ? Dans tous les cas, saturer l’espace public de ce types de symboles ne me semble pas servir l’objectif initial de pure défense des droits des personnes LGBT.
Au contraire, certains citoyens, pourtant sans a priori, peuvent s’agacer de tant d’égards, non pas par homophobie mais par sentiment d’inégalité ressentie dans l’appréhension des combats sociétaux menés et promus par les puissances publiques. Il serait injuste de condamner systématiquement le recours aux subventions mais est-il seulement encore possible de questionner institutionnellement la pertinence de certains choix sans être soupçonné de discrimination à l’heure où le budget des collectivités locales se réduit comme une peau de chagrin ? Le cas de la ville de Nantes où la cour d’appel vient de valider une subvention au centre LGBT locale, a le mérite d’engager la réflexion[9].
La capacité d’influence auprès des sphères politiques montre bien l’évolution d’un mouvement de défense vers le lobby pur et simple. Le but recherché n’est plus de protéger mais plutôt de supprimer des normes, de les remplacer.
Pour poursuivre cet objectif nous pouvons évoquer les théoriciens, souvent sociologues et/ou philosophes qui donnent une assise conceptuelle à cette mouvance. La référence mondiale dans les études de genre est Judith Butler. Récemment nous avons pu relever une affaire qui a secoué le milieu universitaire américain, cette enseignante reconnue a signé une lettre avec de nombreux collègues académiciens afin de voler au secours de la professeure Avital Ronnell, philosophe américaine accusée de harcèlement sexuel par un de ses étudiants[10]. La polémique est née du discrédit semblant être porté sur la parole de la victime par toute cette intelligentsia universitaire dans une tentative maladroite de protéger leur collègue et amie. Mais comment défendre l’indéfendable sans courir le risque d’être soi-même discréditée dans la manœuvre. Il est certain qu’on ne peut pas remettre cause tout un mouvement, le combat légitime de milliers de personnes pour une erreur ponctuelle ; cependant, il est permis de tirer un enseignement important : lorsque l’habituel accusé se trouve en position d’accusateur, (ou inversement), il n’y en a pas un plus irréprochable et honnête que l’autre.
On se trouve bien loin de cette dichotomie souvent caricaturée entre une mouvance ouverte et toujours bienveillante face à des milieux fermés et agressifs. S’agirait-il finalement de remplacer une mode de penser par un autre sans aucun changement effectif dans ce qui fonde les rapports de pouvoir et de domination ? Quel juge est assez omniscient pour décréter sans consultation citoyenne de grande ampleur ce qu’il est bon de reconnaître comme légitime et acceptable dans notre société ? Inutile de se poser ces questions, certains penseurs ont déjà répondu pour tous et honte à ceux qui demandent une explication.
Cela n’enlève rien au fait que toutes ces théories soient particulièrement intéressantes et stimulantes d’un point de vue intellectuel. L’entrevue de Carolin Emcke le 13 septembre 2018 sur France culture sur le thème du désir était particulièrement captivante[11]. Pourtant j’ai été surpris qu’elle se ponctue par cette affirmation : «Il ne faut surtout pas prendre en compte les identités qui veulent exclure les autres identités, tolérance zéro pour ceux qui refuse une société sécularisée, ouverte et tolérante justement ». Il est toujours curieux de voir des individus luttant contre des discriminations devenir eux-mêmes les auteurs d’agissements qu’ils combattent. Certains avanceront que le paradoxe, la contradiction sont constitutifs de la nature humaine ; il me semble que cette théorie a été inventée puis relayée par des pseudo penseurs tout simplement incapables de reconnaître et de dépasser leurs incohérences personnelles.
Autre exemple assez marquant, cet entrepreneur parlant de reverser les bénéfices d’une transaction avec les organisateurs des Gaygames à la Manif pour tous. Il s’est fait « lyncher » sur internet par des défenseurs de la cause LGBT qui ont même appelé à boycotter son entreprise. Gageons que le mauvais goût de la démarche du patron de Barnum était plus que flagrant et qu’il ne pouvait pas attendre des mots de félicitations après une telle provocation ; cependant, voir son activité professionnelle mise en danger me laisse songeur… Bien loin de moi l’idée de défendre une quelconque émanation de la Manif pour tous, dont les proches sont habitués aux réactions excessives, déraisonnables et souvent insultantes comme le prouve encore cette sortie du président de la CNAFC lors de leur université d’été : « le problème c’est pas que les pédés… »[12]. Mais il ne faudrait pas que les opposants à ce mouvement se trouvent pris dans la même spirale d’excès et de surenchères contreproductives…
Pour finir, je peux assurer que j’aime profondément le débat et la confrontation des points de vues, seule approche permettant de faire évoluer les mentalités. Par contre je déteste que l’on «impose » une idée de manière insidieuse et péremptoire en s’affichant comme seul détenteur de la vérité et de la bonne moralité, encore plus quand le législateur et les pouvoirs publics s’en mêlent en prenant des décisions comme toujours « au dessus de nos têtes ». Cette éternelle rengaine du politicien, du technocrate ou de l’intellectuel qui pense sincèrement savoir mieux que nous-même ce qui est bon pour notre personne et entend nous le faire « comprendre » en faisant appel à des principes moraux qu’eux seuls ont forgés pour des raisons purement intéressés (intérêts et pratiques personnels, électoralisme ou opportunisme) ; cela m’est insupportable et ne sert qu’à exacerber les tensions déjà extrêmes, nous menant tout droit vers un décrochage émotionnel généralisé moteur de toutes les dérives…
P.M.
[1]https://www.marianne.net/monde/cinq-ans-apres-une-premiere-tentative-l-inde-finit-par-depenaliser-l-homosexualite
[2]https://www.huffingtonpost.fr/2018/09/19/apres-une-agression-homophobe-a-paris-devant-un-theatre-ce-comedien-publie-une-photo-de-son-visage-tumefie_a_23532122/
[3]https://www.bfmtv.com/societe/tout-savoir-sur-les-gay-games-qui-commencent-samedi-a-paris-1498150.html
[4]https://www.paris2018.com/fr/
[5]http://sport24.lefigaro.fr/le-scan-sport/2018/08/04/27001-20180804ARTFIG00050-manuel-picaud-les-gay-games-sont-ouverts-a-tous.php
[6]https://www.20minutes.fr/societe/2298915-20180629-marche-fiertes-lgbt-assemblee-nationale-couleurs-drapeau-arc-ciel-week-end
[7]https://francais.rt.com/france/50734-ringard-bleu-blanc-rouge-schiappa-remplace-drapeau-par-arc-ciel-twitter
[8]http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/06/27/01016-20180627ARTFIG00355-anne-hidalgo-annonce-que-les-passages-pietons-aux-couleurs-lgbt-seront-permanents-a-paris.php
[9]https://www.20minutes.fr/nantes/2349171-20181005-nantes-subvention-attribuee-centre-lgbt-nouveau-autorisee-justice
[10]https://www.mediapart.fr/journal/international/280818/aux-etats-unis-l-affaire-de-la-professeure-avital-ronell-questionne-metoo?onglet=full
[11]https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/le-desir-liberte-egalite-sexualite
[12]https://www.nouvelobs.com/societe/20180924.OBS2807/propos-sur-les-pedes-apres-campion-un-proche-de-la-manif-pour-tous-vise-par-une-plainte.html
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