samedi 9 avril 2022

Pourquoi je ne voterai pas à l’élection présidentielle de 2022

Dimanche 10 avril 2022 je ne serai pas en déplacement, j’aurai la capacité de me rendre au bureau de vote, je ne me désintéresse pas du tout de la chose politique et je pense avoir conscience des enjeux d’un scrutin présidentiel avec son impact sur nos vies quotidiennes. Pour autant je n’irai pas voter, c’est volontaire, réfléchi et ce sera assumé. J’espère seulement qu’en cas de résultat « catastrophique » personne n’osera mettre en cause le choix de citoyens comme moi. Il est d’ailleurs déjà étonnant d’être qualifié  en termes peu élogieux par des personnages publics comme Monsieur Pascot et  Monsieur Bercoff avec un ouvrage récent au titre clair : « Abstention, piège à cons » ; sans doute un détournement de la célèbre formule « Elections, piège à cons ». J’ai pu entendre quelques interventions d’André Bercoff et il est assez déstabilisant d’entendre un soi-disant amoureux des libertés défendre l’idée d’un vote obligatoire avec tout de même la reconnaissance du vote blanc… cela me fait le même effet que lorsque j’ai pu écouter des pseudo-libéraux comme Ferry ou Cohn-Bendit défendre le passe sanitaire ou l’obligation vaccinale… Il faut dire que l’hypocrisie et le cynisme sont devenus certaines des caractéristiques principales des intellectuels français. Il faudra donc s’attendre aux pires commentaires et à devenir la cible de tous les incapables qui chercheront des responsables à la situation vers laquelle ils nous ont tous emmené par leur faillite idéologique. Loin de me faire douter, cela conforte mon choix ; voilà mes raisons. 

 

     Tout d’abord, il est juste insupportable d’entendre à longueur de journées les conseils de ces « penseurs du moins pire », ces individus à la philosophie politique tiède, aux convictions molles qui à base de renoncements et de compromissions intérieures incessantes se font les meilleurs artisans de la résilience de notre système démocratique en totale faillite. Mettons de côté des individus profondément conditionnés, attachés au récit collectif comme le chien de Pavlov à sa récompense pour dénoncer les petits marquis de la posture décalée, dissidents de façade qui rentrent dans le rang dès que leur monde est menacé. Je me trompe peut-être mais ils m’apparaissent comme de véritables  contre-révolutionnaires ; ils défendent des idées que j’ai pu trouvées nobles mais ils ne voudront jamais accepter un changement trop radical qui pourrait d’une manière ou d’une autre menacer leur position et leurs privilèges. J’ai le sentiment que leur positionnement repose sur la peur : peur de ne pas savoir ce qui pourrait advenir, peur du changement, peur de voir leurs certitudes ébranlées, peur d’une transition trop brutale… et bien qu’ils critiquent souvent avec sens de l’à propos les failles de l’existant, ils se font, en dernier ressort, les plus fervents partisan de la continuité. « Il faut limiter la casse » ; « on sait ce que l’on a » ; « on vote pour le moins mauvais c’est comme ça »… autant de formules toutes plus affligeantes les unes que les autres qui illustrent bien le fatalisme de la majorité  de nos concitoyens qui font le choix de se mettre à la table de jeu d’un petit groupe de décideurs qui utilisent des dés pipés ; l’éternel unique choix de se soumettre. On entend pourtant que les abstentionnistes « font  le jeu de » ;  pour la majorité nous ferions le jeu des extrêmes, pour les opposants nous ferions le jeu du sortant, en somme une nouvelle forme de bouc émissaire. A chaque période troublée ses responsables, après les non vaccinés responsables de tous les maux sanitaires, les abstentionnistes responsables de tous les maux politiques. Dans les mois à venir il ne fera pas bon être non vacciné et abstentionniste avec circonstances aggravantes pour un ou une Gilet Jaune. Pourtant l’abstention me semble être le seul moyen d’établir un rapport de force avec la caste des décideurs politiques, cela devient une habitude, on ne tire plus rien des expériences passées même les plus récentes. Nous l’avons vu lors des dernières régionales, rien n’effraie plus la classe politico médiatique que l’abstention. Deux signes ne trompent pas : tout d’abord permettre aux personnes positives Covid de se rendre aux urnes à contre-courant de toutes les mesures sanitaires déployées jusqu’à maintenant (mesures que l’exécutif reconnait bien comme absurdes mais avec lesquelles il a exercé une pression inexcusable sur sa population) et la sortie médiatique toujours aussi consternante d’un Macron qui aura été d’un mépris total jusqu’aux dernières heures de ce mandat. En effet, Marianne rapporte ses commentaires dans le Parisien : « Voter blanc, c’est mieux que de ne pas voter » ; « Mais le problème, à mes yeux , c’est quand même que monsieur « vote blanc » n’apporte pas beaucoup de solutions. C’est la réalité. » ; et pour lui finalement le « votant blanc » « n’est pas capable de choisir un candidat »[1] … c’est bon à savoir, celui qui ne veut pas choisir parmi l’offre proposée est un incapable ! Au passage on mesure ce qui fait le plus enrager ce genre d’individu : l’abstention, le fait de ne pas jouer leur jeu, le vote blanc passe encore, peut-être qu’un jour on décidera de l’éventualité d’envisager une consultation en vue de débattre de la perspective de le reconnaitre…    C’est pourtant assez évident, pour ces gens qui méprisent le peuple, rien de plus inquiétant que l’incertitude, l’incapacité à prévoir la réaction de ceux qu’ils considèrent comme des décérébrés, ces gens sont-ils des radicaux potentiellement violents, des dégoûtés en pleine dépression, des désintéressés sans convictions ou de simples citoyens qui ne veulent pas jouer leur jeu ? Sans abstention pas de mise en valeur de l’épuisement de notre démocratie ; plutôt que de stigmatiser les abstentionnistes, il faudrait les remercier, ils sont les lanceurs d’alerte qui permettent le diagnostic de mauvaise santé du système politique et même plus largement de quasi mort clinique  de notre République. Ce qui se joue avec cette présidentielle est plus large que la simple question de l’élection, de ce jeu de dupes malsain qui vise à calmer les foules, il s’agit de s’interroger sur le fait qu’il existe ou non encore quelque chose à sauver. 

 

     L’argument du « devoir » que constitue le vote revient souvent. Si l’on reprend l’idée, chère à Rousseau, de « contrat social » qui s’établit entre le citoyen et l’Etat, je peux entendre les concepts de droits et de devoirs. Mais, si l’une des parties rompt le contrat, comment exiger de l’autre qu’elle honore sa part ?  Or dans notre cas, si on s’intéresse aux derniers évènements, il me parait évident que l’Etat ne respecte en aucun cas sa part du contrat et il n’est plus possible de considérer que « nos élus » sont les représentants du peuple ; ils sont au pire, les représentants de leurs propres intérêts ou les jouets d’une majorité qui les méprise et au mieux les spectateurs, parfois indignés, mais totalement impuissants de la farce d’un gouvernement fantoche. 

     L’état de droit est en passe de devenir une légende urbaine : état d’urgence face au risque terroriste avec la promesse que les mesures ne seront pas inscrites dans le droit commun, première farce ;  état d’urgence sanitaire créé en 2020 sur des bases totalement arbitraires avec confinement, réduction des libertés individuelles, passe sanitaire et obligation vaccinale des soignants. Et surtout aucun retour en arrière une fois qu’il est pourtant prouvé que toutes ces décisions étaient totalement ineptes. Quelques individus qui prennent des décisions qui conditionnent les aspects les plus élémentaires du quotidien de leurs concitoyens dans le cadre d’un conseil de défense totalement opaque sans aucun contre-pouvoir. Et nous serions priés de les remercier et de ne surtout pas contester quoique ce soit. Et que dire de la crise ukrainienne, toute la politique extérieure laissée à la discrétion du seul chef de l’Etat,aucune consultation des parlementaires alors que le choix de ces mesures vont impacter violemment notre pouvoir d’achat, notre capacité à nous chauffer, à travailler et même à nous nourrir, donc à subvenir aux besoins de nos enfants ! Mais pas besoin de notre avis, le chef a décidé et en plus il le fait en toute impunité, en toute irresponsabilité ! La République nous dédaigne, elle ne peut rien exiger de nous, qu’on laisse faire est déjà beaucoup…  

   Bien sûr il est toujours dangereux de généraliser, simplifier, caricaturer et dire que tous les acteurs politiques sont des vendus serait injuste. Il y a bien ça et là il y a bien un député ou l’autre pour défendre nos intérêts mais même eux peuvent mesurer leur inutilité. Passer 5 ans à pleurer sans réussir à faire changer la moindre chose, aucun pour mettre sa démission dans la balance pour marquer les esprits, au contraire la plupart sont plus occupés à se recaser pour les 5 ans à venir. Et que dire des membres du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel censés contrôler la conformité des lois et donc les excès de mesures mal calibrés qui ne respecteraient pas les fondements de notre République. Au cours de la crise sanitaire maladroitement qualifiée de « guerre » par le Président ils sont passé du rôle de vigie en surplomb à celui d’aide de camp servile du pouvoir en place. Les épisodes successifs de confinement, attestation de déplacement, obligation vaccinale des soignants et passe sanitaire de la honte ont été autant d’occasion de piétiner la constitution et l’état de droit avec ces deux conseils qui ont allègrement détourné le regard. Pour ces gens qui devraient jouer un rôle majeur dans la protection des institutions, notre intérêt était bien le cadet de leurs soucis. Et maintenant on voudrait nous culpabiliser, nous enjoindre à faire notre devoir citoyen ? Honte à vous tous hommes de paille, gouvernants fantoches ; une élite de pacotille plus intéressée par la conservation de ses avantages que par la protection de la Nation. Cet Etat confisque bien le pouvoir qu’il doit à son peuple.

    Enfin, comment a-t-on pu dériver à ce point-là au sommet de l’Etat avec le recours décomplexé aux cabinets de conseils ? Phénomène  « tentaculaire » selon le Sénat qui parfois sort de sa torpeur. Il a encore fallu le concours de quelques chercheurs de vérité, de plus en plus isolés, ici en la personne de Mathieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, qui ont publié Les infiltrés chez Allary Éditions en février 2022. Livre qui a déclenché la foudre et permis de mettre en lumière le rôle trouble joué par le cabinet McKinsey. Pourtant un article dans M Le magazine  du Monde le samedi 6 février 2021 aurait déjà dû sonner l’alarme dans la foulée d’information déjà relayées par le site Politico et le Canard Enchainé.  Alors petit résumé : nous avons un cabinet qui a aidé bénévolement à la rédaction du programme de Macron en 2017 ; on ne compte plus les aller-retour, les échanges de poste  entre gouvernement, parti en marche et cabinet McKinsey ; ils sont chargés de la logistique de la campagne vaccinale du gouvernement et le clou du spectacle ils sont aussi conseillers de Pfizer,  principal pourvoyeur de vaccins… A noter d’ailleurs que ce laboratoire est actuellement dans la tourmente aux EU avec la publication de 55000 pages de documents d’examens du vaccin COVID-19 suite à la victoire au tribunal d’une organisation à but non lucratif Public Health and Medical Professionals for Transparency contre la FDA (Food and Drugs Administration) dans le cadre du Freedom of Information Act (FOAI) américain[2] dont la France ferait bien de s’inspirer au lieu de tout verrouiller avec le Secret des Affaires et autre verrou de Bercy… Sur ce point d’ailleurs, peut être que les médias traditionnels français en parleront dans quelques années… Autre précision déjà évoqué dans un texte précédent : le rôle de McKinsey en tant  que conseiller d’un autre laboratoire Purdue Pharma reconnu coupable dans la crise des opiacés aux EU. A la lumière de toutes ces informations, la gestion sanitaire et la campagne vaccinale mises en place par l’Etat français ressemblent plus à des escroqueries en bande organisée qu’à des politiques de santé publique… Et tout cela sans aucune conséquence sur nos élections, pas de garde-fou au sein de la puissance public, une République sans contrôle, un organisme politique sans aucun système immunitaire. 

 

     C’est toute l’institution qui apparait maintenant comme « pourrie de l’intérieur » : hauts fonctionnaires, députés, sénateurs, membres du conseil constitutionnel, membres du Conseil d’Etat… ils ont tous laissé faire quand ils n’ont pas été complices.  Et maintenant nous devrions jouer le jeu et choisir un nouveau chef ? Aurait-on eu idée de changer de capitaine au moment où le Titanic sombrait ? Nous devrions faire confiance à un seul de ces individus qui se font un plaisir de jouer leur rôle dans ce théâtre d’ombres depuis tant d’années ?  

     Après de tels constats, à mon sens, voter revient à cautionner, prendre le risque inconsidéré de s’entendre dire, malgré tous les revirements de circonstances et les mensonges avérés : « nous avons été élus, c’est la démocratie, le peuple a donné son avis ». S’abstenir devient pour moi une question de principe, une forme de sécession face à l’inacceptable.  

Notre démocratie représentative a vécu, a mal vieilli, elle est morte ; et il faut maintenant l’enterrer pour passer très vite à une démocratie participative avec reconnaissance du vote blanc et RIC ; seules conditions de mon retour aux urnes. Aller voter actuellement pour donner un mandat à l’un de ces politiciens ivres de pouvoir c’est appliquer un massage cardiaque sur un corps froid depuis des mois voir des années. Ces politiciens sont les Docteurs Frankenstein modernes qui veulent ramener à la vie un cadavre pour continuer à se nourrir sur le dos de leurs concitoyens. Voter c’est donner une caution à tous les escrocs médiatiques qui tentent de nous persuader que le pire est normal, que les vices et manipulations sont les nouvelles vertus et que nous sommes condamnés à accepter notre sort. Et bien abstenons-nous, instillons le doute dans leur esprit comme eux veulent instiller dans notre esprit la certitude de notre inutilité. Obligeons-les à nous considérer réellement, arrêtons d’accepter les règles de leur jeu, qu’ils se sentent obligés, quel que soit leur bord politique, de nous accorder les outils de notre reprise de pouvoir populaire. Et plus nous serons nombreux, plus le rapport de nombre se fera rapport de force. 


P.M.

mardi 29 mars 2022

Comment expliquer une telle surexposition médiatique et une telle surexploitation politique du conflit en Ukraine ?

Tout d’abord témoignons de notre compassion pour le peuple ukrainien, pour tous ces civils atteints par la guerre : déplacés, cloitrés, utilisés et même tués ; la même compassion qu’ont dû aussi ressentir nos aînés puis nous-mêmes pour les populations vietnamiennes, algériennes, arméniennes, serbes, croates, kosovares, libanaises, rwandaises, irakiennes, lybiennes, tchétchènes, afghanes, palestiniennes, tibétaines, kurdes, syriennes, yéménites… et j’en oublie beaucoup. Comme dans la plupart des guerres, leurs vies ne sont que des pions sur l’échiquier géopolitique de décideurs peu scrupuleux.

 

Une indignation occidentale à « géométrie et géographie variable ».

 

    C’est là que le bât blesse, il est difficile d’expliquer l’hystérie qui a saisi tous nos médias concernant ce conflit en Ukraine, au point de vampiriser tout l’espace informationnel en moins d’une journée. On peut toujours avancer l’argument « coup de poing » : « nous médias donnons à voir ce que le public désir ». Difficile d’acquiescer ; je sais bien qu’une expérience particulière ne peut avoir valeur de norme générale mais je n’ai entendu personne dans mon entourage personnel et professionnel qui souhaitait connaitre en temps réel l’évolution des chars russes et des états d’âme de Volodimir Zelensky ou de Vladimir Poutine. D’ailleurs les commentaires entendus sont vite passés des mouvements de population à l’organisation de la résistance et des moyens d’intervention russe pour arriver finalement à l’état de santé mental du président russe. Dernière considération qui a peu de chance de faire avancer les débats ; la psychologisation me semblait être un tabou dans les commentaires politiques, dommage qu’il ne soit levé qu’à cette occasion car il y aurait sans doute eu des analyses très pertinentes à faire dans la vie politique française de ces 5 dernières années…

Pour ce qui est de la présentation du conflit, la guerre de communication fait aussi rage. Pour les couloirs d’évacuation d’abord, bombardés par les Russes pour installer une stratégie de la peur selon BFMTV reprenant les assertions ukrainiennes ; ou bien attaqué par les nationalistes ukrainiens pour instrumentaliser les décès de civils et discréditer le pouvoir russe selon le Kremlin. L’analyse va aussi varier pour évoquer les bombardements d’hôpitaux : selon l’Ukraine, les Russes vont perpétrer les crimes les plus odieux en prenant pour cible ce type d’établissement sans aucune considération pour les vies civiles ; selon la Russie, les militaires ukrainiens ont pris volontairement ces bâtiments comme base pour leurs forces armées en prenant leur propre population comme boucliers humains. Autant dire que nos journalistes nationaux relaient le plus souvent sans précaution les discours ukrainiens et n’évoquent qu’à demi-mot les réserves russes. D’ailleurs un évènement me parait représentatif de ce climat de désinformation permanente avec, comme clou du spectacle, notre propre Président en pourvoyeur de « Fake news ». Il faut dire que depuis son hypothèse du pilotage des Gilets Jaunes par le Kremlin glissée à des journalistes, nous pouvons nous attendre à tout… 

Le 1er mars l’armée russe a attaqué une tour de diffusion de la télévision à Kiev ; le même jour The Times of Israël relaie les propos du Président Zelensky : « A quoi bon dire ‘plus jamais ça’ pendant 80 ans, si le monde se tait lorsqu’une bombe tombe sur ce même site de Babi Yar ? Au moins 5 tués. L’histoire se répète… »[1] ; il dénonce un bombardement ayant endommagé ce mémorial de la Shoah. Le lendemain pourtant, le journaliste Ron Ben-Yishaï explique sur I24 news : "Après avoir parcouru la totalité du site, je peux affirmer avec certitude qu’aucun monument n’a été endommagé et qu'aucune bombe, missile ou obus n'a touché la zone", il dénonce lui la publication d’« informations trompeuses » par le gouvernement ukrainien[2]. Grande surprise, le Président français s’adressant à sa nation le soir parle en ces termes : « Les dirigeants russes s’en prennent à la mémoire de la Shoah en Ukraine comme ils s’en prennent en Russie à la mémoire des crimes du stalinisme » (2 minutes 45)[3]. Il me semble pour le moins périlleux, à un tel niveau de responsabilité, de traiter un tel sujet avec si peu de précautions. 

Il ne s’agirait pas d’être naïf non plus avec le locataire du Kremlin qui sait faire dans la surenchère lorsqu’il parle de « dénazifier » le pays. Il y a bien le parti  Svoboda qualifié par certains d’ « ultra-nationaliste » comme dans cet article de TV5 monde datant de décembre 2021[4] et la présence au combat du régiment Azov intégré à la garde nationale ukrainienne ; la doctorante au Cevipol Coline Maestracci assure dans un article de la RTBF[5] : « il n’y a pas de doutes sur le fait que les têtes pensantes du bataillon sont d’extrême droite et néonazi. C’est incontestable ». Cependant laisser entendre que tout le pays serait gangréné par une idéologie  inspirée du 3ème Reich me parait pour le moins excessif et surtout irrespectueux envers l’ensemble du peuple ukrainien ; et, si la présence de groupuscules se réclamant de cette idéologie justifie une telle intervention militaire alors il faudrait se préparer à « faire le ménage » donc la guerre à un grand nombre de pays dit « développés », et, au final, qui pour « faire le ménage » chez soi… 

    On voit bien que le degré d’information, désinformation est quasiment impossible à déceler et il semble indispensable d’avoir des sources variées afin d’être en mesure de faire preuve d’un minimum d’esprit critique. Ce qui permet d’introduire l’un des grands scandales politique et médiatique européen et français de cette période: l’interdiction des chaînes RT France et Sputnik. Décision totalement arbitraire, anticonstitutionnelle ne reposant sur aucun fondement légal, sans aucune enquête, sans produire aucune preuve… Comme le relate Marianne, RT France a introduit le 8 mars un recours devant la justice européenne pour faire annuler l’interdiction de diffusion imposée par l’UE[6]. Xenia Fedorova (Présidente de RT France) dénonce dans un tweet du 27 février : « La décision de bannir notre chaîne, dans laquelle travaille 176 salariés, dont plus de 100 journalistes, est une violation de l’état de droit et va à l’encontre des principes mêmes de la liberté d’expression. Rien ne peut justifier cette censure. ». Sur ce sujet, le Canard enchainé du 2 mars 2022 rapporte les propos de Macron, décidément dans tous les bons coups, à l’issu d’un conseil de défense : « Cela fait des mois que je dis qu’il faut agir contre RT France et Sputnik, et on m’explique chaque fois que ça pose des problèmes juridiques. Cette fois ce n’est plus tenable ». « Je regarde ce qui s’y passe , a-t-il confié ensuite à ses conseillers. Et ça ne fait que conforter l’idée que j’ai depuis 2017 : Poutine mène aussi une guerre de l’information. Sur RT, vous voyez ce que voient les Russes, il n’y a que les images du Donbass où les Ukrainiens sont censés tirer sur les séparatistes. Et aucune image de Kiev ou de la mobilisation internationale. Le plus choquant, ce sont ces Français, journalistes, anciens ambassadeurs ou pseudo-experts, qui reprennent le narratif russe. » Comme d’habitude un morceau de bravoure de notre Président philosophe ; tellement d’inepties en si peu de phrases, quelle performance réflexive, il est vraiment toujours au-dessus de la mêlée, un esthète de la mauvaise foi, un poète surréaliste ! Cela posait des problèmes juridiques d’agir contre ces chaines, heureusement dans un état de droit… mais là l’émotion est telle qu’on doit passer au-dessus des lois ? On comprend la proximité du chef de l’Etat avec Castaner et son fameux « parfois l’émotion doit passer au-dessus des lois », magnifique pour le garant des institutions ! Pour comprendre certaines réactions, faire preuve de discernement, n’est-il pas indispensable d’être capable de se mettre à la place de l’ennemi désigné, donc de voir ce qu’il donne à voir à son peuple ? Donc de pouvoir accéder sans restriction au narratif russe ? Dans ce type de conflit où les propagandes s’affrontent, s’approcher de la réalité revient peut-être à identifier les dénominateurs communs des différents narratifs. A moins qu’il n’existe qu’un seul narratif valable au nom de la vérité pure qui émane de notre gouvernement. Nous devons être trop idiots pour pouvoir résister au chant de Vladimir. Pour l’évocation du Donbass il va encore plus loin, l’emploi de « censé » est une insulte aux pertes humaines qui sont survenues et qui surviennent encore aujourd’hui dans cette région et ce depuis 2014 ; en un mot on balaie le travail de la journaliste Anne-Laure Bonnel qui a largement évoqué ce conflit dans un documentaire de 2016 intitulé Donbass[7]. Un travail qui ne peut laisser personne indemne ; en ce moment elle essaie de se faire entendre sur plusieurs medias, André Bercoff l’a d’ailleurs reçu sur Sud Radio pour parler de son expérience poignante[8]. A noter, toujours dans le canard enchainé les paroles de Véran : « Les mêmes qui s’acharnaient contre le vaccin et le passe sanitaire sont aujourd’hui des activistes pro-Poutine. Cela interpelle sur le rôle qu’ont pu jouer les pro-russes, au premier rang desquels RT et Sputnik, dans les tentatives de déstabilisation de la politique sanitaire. » Heureusement qu’il s’agit d’un ministre sinon l’hebdomadaire n’aurait pas hésiter à coller l’étiquette « complotiste »… Aucune solidarité professionnelle, aucun reflexe de protection de corps, et ce sont bien des collègues, techniciens et journalistes détenteurs d’une carte de presse qui sont abandonnés en rase campagne. Tout au plus l’évocation de cet épisode par les médias traditionnels avec une pudeur coupable et nous attendons encore les preuves de la propagation de fausses informations. De nouveau ne soyons pas naïf, ces chaines donnent un éclairage sur les évènements à travers un prisme de lecture clairement russe, d’ailleurs ce n’est pas du tout occulté à moins de penser que « Russia Today » pourrait chanter les louanges des pays de l’OTAN… pour autant quelle différence avec le même type d’organe de presse dont la ligne éditoriale est pro occidentale en France ? Une chose qui me semble totalement normale seulement si l’on garantit la possibilité aux paroles dissonantes de s’exprimer. 

    Toujours sur l’aspect du traitement partial de l’information un exemple récent permet de saisir les enjeux et de mettre en valeur l’effet de lunette grossissante actuel sur un conflit qui occupe les chaînes de télévision en continu du matin au soir. Au plus fort des affrontements en Syrie ou la Russie jouait les premiers rôles, suivre RT France était l’un des seuls moyens d’avoir des informations permettant d’appréhender le conflit et son évolution. A l’époque déjà, il était clair que le conflit serait pésenté selon une grille de lecture russe ; heureusement, la plupart des citoyens sont capables de saisir ce concept et ne prennent pas toutes les informations données pour argent comptant. A l’époque pas de sujets quotidiens dans nos journaux français, pas de pleurs de nos stars nationales, pas de levées de fonds nationales, pas de demande d’accueil en dehors des associations spécialisées et surtout pas sur notre télévision nationale, pas de sujet relatant le sorts insoutenables des « déplacés » plutôt appelé « migrants » à ce moment… une vague d’émotion de courte durée avec les clichés du corps sans vie du petit Aylan sur une plage turque… puis tout le monde est retourné vaquer à ses occupations. Même remarque pour la guerre en Lybie ou la responsabilité de la France était directement engagée, bizarrement nos grands médias prescripteurs d’indignation ces magnifiques défenseurs de la veuve et de l’orphelin étaient moins prompts à sortir les mouchoirs ; sans doute un agenda médiatique trop chargé pour passer du temps à décrire le sort des populations civils, ces dommages collatéraux acceptable un jour, inacceptable le lendemain dans des guerres toujours sales. Et que dire du conflit au Yémen, qualifié par de nombreux observateurs comme l’un des pires fléaux humanitaires du 21ème siécle, à moins de lire Le Monde Diplomatique ou Courrier International, quasiment pas un mot sur cette question… L’indignation, décidément est bien à « géographie variable » ; « souvent média varie » et peut-être que, dorénavant, la solution sera de les faire taire tout simplement, cela évitera beaucoup de questions, de confrontation de vision, de contradiction… tous ces concepts dépassés qui paraissaient utiles et même indispensables dans nos démocraties si exemplaires.

 

Les prises de décision de nos gouvernants résumées en un mot : absurdité. 

 

   Heureusement notre Président est là pour jouer un rôle important dans la résolution du conflit. D’ailleurs quel étonnement en entendant certains commentateurs arguer qu’il joue bien son rôle, que c’est son domaine de prédilection en se valant de sondage douteux expliquant que les Français considèrent que Macron rehausse l’image de la France à l’international… Peut-être que j’évolue dans un monde parallèle lorsque j’ai la nette impression que les fiascos diplomatiques s’enchainent à un rythme soutenu. Petit florilège : 

    Suite à l’explosion du port de Beyrouth au Liban le 4 août 2020 et face à l’ampleur des scandales de corruption au sein des instances dirigeantes le chef macron, après un premier déplacement sur place le 6 août, est revenu le 1er septembre pour « mettre la pression » à la classe politique libanaise et les inviter à former un gouvernement dans les 15 jours ; comme le relate Julien Lecuyer dans La Voix du Nord, il a bien précisé «  J’en suis conscient. Je mets sur la table la seule chose que j’ai : mon capital politique » et il a même menacé, s’il s’avérait que les progrès n’étaient pas là, « nous en tirerons toutes les conséquences »…[9] Suite à ses annonces tonitruantes, nous sommes ravis d’apprendre dans le Figaro que notre Président annonce un « changement de méthode » face à l’impasse ; sept mois passés et toujours pas de gouvernement[10]… Mais alors quelles conséquences ont été tirées ? Et existe-t-il véritablement un capital politique ? 

     Autre morceau de bravoure avec « le contrat du siècle », la vente de 12 sous-marins nucléaires conclu en 2016, rompu le 16 septembre 2021 par l’Australie. Avec un certain sens de la formule dans le Parisien, ce « contrat du siècle » est devenu « le camouflet commercial du siècle »[11]. Déjà le coup et le coût diplomatique sont lourds mais pour ne pas en rester là, comme le révèle L’Indépendant, Macron a alors mis en cause l’honnêteté du premier ministre australien en affirmant, en marge d’un sommet du G20, qu’il lui avait menti sur les intentions australiennes. La réaction ne s’est pas faite attendre avec fuite dans la presse d’un SMS échangé entre les deux dirigeants prouvant que le sujet avait été évoqué 2 jours avant la nouvelle[12]. Il est d’ailleurs intéressant de noter la réaction dans le Parisien d’une source au palais présidentiel qui parle de « méthode assez inélégante et particulière … »[13] ; alors qu’il est certain que mettre en doute la parole d’un dirigeant en public est d’une totale élégance… le capital diplomatique semble se réduire comme une peau de chagrin. 

    Le 17 février 2022, notre chef de guerre a aussi sonné le retrait français du Mali avec le redéploiement de nos forces armées engagées là-bas. Le Monde explique « la France se voit contrainte de quitter le Mali après avoir perdu cinquante-trois soldats, poussée par l’hostilité croissante de la junte au pouvoir à Bamako, prompte à exploiter les colères de la population confrontée à l’incurie des anciennes autorités élues et à une insécurité sans fin. » et ajoute « Ce départ forcé dans une ambiance électrique constitue un choc et un échec pour les deux pays »[14]. Cela se passe de commentaires.

    Enfin, au début du conflit ukrainien, le 8 février 2022 dans un avion le menant de Moscou à Kiev, le Président français, cité par la Voix du Nord  a affirmé : «Il s’agissait pour moi de bloquer le jeu pour empêcher une escalade et ouvrir des perspectives nouvelles (...) Cet objectif pour moi est rempli» et il assurait bien avoir obtenu de Poutine «qu’il n’y ait pas de dégradation ni d’escalade»[15].  Assertions rapidement démenties par le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov qui a assuré que ces informations n'étaient "pas exactes". La Tribune explique que « face aux commentaires du Kremlin, l'Elysée a semblé faire marche arrière mardi, indiquant que le responsable français mentionnait des points abordés entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine plutôt que des engagements pris par le président russe »[16]. Au moins pas d’attaque portant sur la probité du président russe… la douche froide n’est pas loin. Mais notre trublion national ne s’arrête jamais, comme pour les petites phrases, il n’arrive pas à se limiter ; ce n’est pas lui qui se trompe mais le reste du monde qui fait l’erreur de ne pas l’écouter. Ainsi, BFMTV titre sans aucune précaution le 21 février 2022 : « Ukraine : Poutine et Biden acceptent de se rencontrer lors d’un sommet proposé par Macron »[17]… Information encore réfuté par la Russie qui selon France Bleue « tempère » par la voix de son porte-parole "Il y a une entente sur le fait de devoir continuer le dialogue au niveau des ministres (des Affaires étrangères). Parler de plans concrets d'organisation de sommets est prématuré", a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov[18]. Décidément il semble y avoir quelques problèmes de communication ou de compréhension. Et si seulement la France et L’UE se limitaient au rôle de médiateur, de diplomate, nous pourrions limiter la casse mais non, nos têtes trop pensantes ont décidé de nous impliquer au premier chef en soutien de l’Ukraine… Mention spéciale aux « pieds nickelés de la diplomatie » : notre ministre des affaires étrangères annonçant, le 24 février 2022 en réponse aux menaces du Président russe, sans doute dans une stratégie d’apaisement : "Je pense que Vladimir Poutine doit aussi comprendre que l'Alliance atlantique est une alliance nucléaire. Je n'en dirai pas plus"[19] ; et le spectacle affligeant donné par le champion et ministre de l’économie Bruno Le Maire déclarant le 1er mars 2022 que nous allions « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie »[20], pays, accessoirement, contre lequel nous ne sommes pas en guerre… Performance payante avec la réponse de l’ancien Président Dimitri Medvedev le jour même : "Un ministre français a assuré aujourd'hui qu'ils nous avaient déclaré la guerre économique. Faites attention à votre discours, messieurs! Et n'oubliez pas que les guerres économiques dans l'histoire de l'humanité se sont souvent transformées en guerres réelles"[21] et le pathétique rétropédalage du même Le Maire le soir venu: « le terme de “guerre” utilisé ce matin sur France info était inapproprié et ne correspond pas à [leur] stratégie de désescalade » ; « Nous ne sommes pas en conflit contre le peuple russe »[22]. Heureusement que nos deux ministres sont les seuls à évoquer officiellement le conflit en plus du Président, imaginez si Blanquer, Schiappa ou Darmanin nous donnaient leur avis, la catastrophe assurée !

 

     Dans tous les cas nous prenons part directement dans un conflit pour des raisons qui me        semblent obscures compte tenu des conséquences de nos actions. Nous développons , il est vrai avec un certain brio, ce que je nommerais la stratégie économique du crachat contre le vent. Une chose est certaine, les mesures prises par l’UE vont nous revenir en plein visage.                          D’ailleurs je me demande encore pourquoi nous nous sommes impliqués à ce point et de    manière aussi tranchée en appui total à l’Ukraine. Analyse peut-être froide mais ce pays n’appartient ni à l’OTAN, ni à l’Union Européenne donc aucun traité ne nous lie, aucune alliance ne nous oblige. Je suis tout à fait d’accord avec le fait de condamner une attaque militaire de cette ampleur contre ce pays, cependant, étant donné les enjeux, nos capacités à intervenir et les résultats que l’ont peut espérer, nous ne pouvions pas nous permettre de faire plus. Déjà il me semble que  l’OTAN en général mais aussi les Etats-Unis et la France en particulier sont bien mal placés pour donner des leçons de paix au reste du monde après les interventions mortifères en Irak ou en Libye. De la même manière comment expliquer une telle réaction après l’apathie, la négligence et l’indifférence montrée concernant la guerre menée par l’Ukraine contre les populations russophones du Donbass, la guerre menée par l’Arabie Saoudite contre le Yémen ou celle menée par la Chine contre la population Ouighours. A ces occasions pas de pleurs de nos stars nationales, pas de concerts de la paix, pas de délocalisation d’un journal de télévision nationale sur la zone de conflit, et surtout aucune sanction financière contre les agresseurs… 

    Effectivement l’UE a pris des sanctions d’une ampleur jamais vue. Vie publique en rappelle la teneur[23] : première série de sanction adoptée par le Conseil le 23 février 2022 avec l’ajout d’hommes et de responsables politiques russes sur la liste noire de l’UE, l’interdiction de négocier la dette souveraine russe sur les marchés financiers européens et internationaux, l’interdiction d'accéder aux marchés des capitaux et aux marchés et services financiers de l’UE afin de limiter la capacité la Russie à se financer ; le 25 février 2022 décision de geler les avoirs du président et du ministre des affaires étrangères de la Russie ; nouvelle série le 27 février 2022 avec le blocage de transactions de la Banque centrale russe, les mesures financières ciblent 70% du marché bancaire russe et les entreprises publiques, la fermeture de l'espace aérien européen aux avions russes, y compris les jets privés et a mise en place de nouvelle sanctions contre la Biélorussie qui "contribue à l'effort de guerre russe". De plus, outre la décision déjà évoquée d’interdire la diffusion des médias RT et Sputnik sur le territoire de l’UE, les dirigeants européens ont annoncé le financement de l’achat et de la livraison d’arme à l’Ukraine. 

 

  Absurdité donc avec la mise en place de mesures économiques qui sont reconnues par beaucoup d’analystes comme inefficaces. Dès le 24 février 2022 sur BFM business, Pierre Jacquet, président de Global Development Network (GDN) et membre du Cercle des économistes expliquait : "On sait historiquement que les sanctions ne sont pas très efficaces", "Ce ne sont pas les sanctions qui vont faire changer la stratégie de monsieur Poutine." ; "ce n'est pas la rationalité économique qui dicte les choix."[24] Sur le même registre Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste chez BDO France et professeure à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, sur TV5 monde le 25 février 2022 donnait son avis : « les sanctions économiques n’impacteront pas la poursuite des opérations militaires mais auront "un impact désastreux sur la Russie" et des répercussions sur l’économie mondiale, en particulier sur le prix des matières premières »[25]. Sur France Culture, le 9 mars 2022, Elie Cohen, économiste, directeur de recherche émérite au CNRS, est d’une clarté cristalline[26] : « Il faut bien comprendre que la première phase de mesures de rétorsion prise par l’Europe et les EU à l’égard de la Russie sont assez exceptionnelles dans la mesure où on a combiné 3 types de mesures pour exercer une pression maximale sur le système financier russe et sur le pouvoir d’achat des russes. » ; « Ça aboutit à un coût du crédit qui s’élève à 20%, qui aboutit à une dévaluation du rouble de 50%, quand vous tarissez les flux physiques d’échange, quand vous n’exportez plus de composants, quand vous n’exportez plus de bien industriels comme les meubles etc… ça a un impact nécessaire sur la vie quotidienne des gens, les gens ont du mal à disposer des médicaments dont ils ont besoin, ils ont du mal à disposer des biens agroalimentaires, des meubles etc … donc ça se traduit par un appauvrissement des russes en l’occurrence, ça se traduit par une perturbation des conditions de vie majeure et ce qu’on peut espérer c’est que cela ait un effet retour en matière politique, c’est-à-dire qu’un peuple de plus en plus mécontent et saigné se tourne contre ses dirigeants ». Si je comprends bien nous voulons faire plier un dirigeant souvent affublé du titre de dictateur, donc qui oppresserait sa population, en attaquant violemment les capacités de survie de ce même peuple déjà en difficulté… on frôle la bêtise pure mais surtout on se vautre dans le cynisme et l’hypocrisie la plus complète ! Sauvons le peuple ukrainien en affamant le peuple russe ! Au cours de cette émission il a été fait référence ,très judicieusement, au Vénézuela et à l’Iran (on pourrait ajouter Cuba) , deux pays ayant subi ce genre de sanction avec des régimes toujours en place, des populations affamées au bord du gouffre et surtout une haine féroce pour une grande partie de la population qui se dirige pour les décennies à venir contre les pays occidentaux. 

     Et le pire dans toute cette histoire est bien le fait que nous pourrions subir en UE et dans le reste du monde, un impact aussi important. Une nouvelle déclinaison de la mondialisation malheureuse avec ses risques systémiques, les conséquences pourraient bien être cataclysmiques… Pour commencer, alors que la Russie n’a pourtant pas coupé le robinet du gaz et du pétrole, l’affolement des marchés a entrainé une montée des prix à la pompe au-dessus des 2 euros. Que se passerait-il si le Kremlin décidait de réduire ses exportations de pétrole et de gaz vers l’Europe ou pire que nos gouvernants décidaient par eux-mêmes de se tirer une balle dans le pieds en réduisant leurs importations? Non, mieux vaut ne pas imaginer… mais il y aura bien quelque économiste de haut niveau comme Nicolas Bouzou pour nous dire de mettre un pull de plus si on ne peut plus se chauffer[27] ou peut-être de s’acheter de bonnes baskets pour faire un marathon chaque jour pour aller travailler sans voiture… La dépendance au blé Russe peut aussi avoir des conséquences dramatique et BFM titrait le 15 mars 2022, « Blé : la Russie commence à couper le robinet »[28], cela associé aux blocages du des céréales dans les ports ukrainiens bombardés et on comprend pourquoi Macron annonce une crise alimentaire, des famines et autres émeutes de la faim dans les pays d’Afrique très dépendants. Moins loin, sur notre territoire, les éleveurs dépendant des céréales pour nourrir leurs bêtes s’inquiètent déjà et « naviguent à vue » selon Michel Bloch, président de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne[29]. De même, comme le fait remarquer l’AFP[30], la dépendance européenne aux engrais russes est problématique, c’est toute la filière agricole qui pourrait être étranglée… Si cela n’était pas suffisant nous pouvons noter aussi l’importance des importations de métaux de Russie, ainsi , L’usine nouvelle explique que « La Russie est un important fournisseur pour l'Europe d'aluminium, de palladium, de titane et de nickel, dont les cours flambent » avec menace de rupture d’approvisionnement[31], problèmes en perspective  pour les filières automobiles et aéronautique… Pétrole, gaz, céréales et métaux, 4 possible cavaliers d’une apocalypse économique qui nous guette. L’un des postulats de nos apprentis sorciers européens en rétorsions économiques est que l’économie russe souffrira plus que l’européenne ; rien n’est moins sûr lorsque l’on sait que les débouchées vers la Chine ou l’Inde pourraient largement amortir le choc du côté du Kremlin. Et pour ce qui est d’un décrochage économique mondiale remettant en cause le système actuel indexé sur le dollar, on ne peut pas dire que Chine et Russie n’ont pas été prévoyant, eux qui sont les pays qui accumulent le plus de réserves d’or depuis de nombreuses années. En faisant un peu de science-fiction économique et en imaginant qu’un nouveau système indexé sur le Yuan ne soit pas envisageable il resterait l’option d’un redémarrage avec l’indexation sur l’or et attention à ceux qui resteraient sur le bas-côté… 

 

Absurdité encore des mesures totalement discriminantes ; quand les défenseurs des opprimés deviennent oppresseurs. En visant les artistes et les sportifs russes, la communauté occidentale s’est véritablement fourvoyée et renforce ainsi un sentiment d’impuissance. Impossible de trouver une justification rationnelle. En quoi un individu dans l’exercice de son activité professionnelle pourrait être tenu responsable des agissements de son chef d’Etat ? Que je sache, personne ne leur a demandé leur avis pour décider d’attaque le pays voisin. Pourquoi donc les faire payer ? Très vite La Russie exclue de la coupe du monde de football[32] ; mais aussi comme l’explique le Parisien : clubs privés de compétitions internationales,  mesures de bannissement des sportifs russes et bélarusses en rugby, athlétisme,basket,cyclisme,patinage… annulations de compétitions donc ou ruptures de contrats de sponsoring, bannissement de l’hymne et du drapeau de la Russie et du Belarus en biathlon et en tennis[33]. Et l’épisode qui me parait le plus injuste : l’exclusion des jeux paralympiques de Pékin 2022 des athlètes russes et biélorusses après le chantage et les manœuvres de pression de plusieurs comité nationaux avec un communiqué du Comité International Paralympique pour couronner le tout : «Aux para-athlètes de ces pays, nous disons que nous sommes désolés qu’ils soient affectés par la décision prise par leurs gouvernements, la semaine dernière, de violer la trêve olympique. Ils sont les victimes des actions de leurs gouvernements.»[34] Mettons-nous à la place d’un de ces athlètes, après une décision comme celle-là, que penser ? En vouloir à son dirigeant ou être plus sensible aux attaques constante qu’il distille contre l’occident? Quel sentiment risque de prendre le pas sur l’autre ? Et le monde de la culture n’est pas en reste. Dès le 28 février 2022, Radio France notait « partout dans le monde, des institutions et artistes russes mis au ban » ; le Met opera de New York qui bannit des artistes russes, Bolchoï annulé  du Royal Opera House de Londres, déprogrammation à la Philharmonie de Paris, le chef d’orchestre Valéry Gergiev exclu de la Scala et sommé de démissionner du poste de directeur musical du Verbier Festival en Suisse ou encore l’annulation du récital de la Soprano Anna Netrebko au Musikhuset au Danemark et l’Orchestre philharmonique de Zagreb qui a évincé les œuvres de Tchaïkovski[35]. Le 11 mars 2022 Le Monde parle de « l’inquiétant boycott des musiciens russes »[36]Un travail de génie pour le rapprochement des peuples que d’attaquer des artistes  pour leur nationalité ! Et les traces risquent d’être durables. Sincèrement les mots me manquent, stigmatiser une population pour sa nationalité ou son appartenance à une communauté, cela doit porter un nom ? C’est une défaite de la pensée, impossible de justifier de telles mesures. Comment oser se faire le défenseur de la tolérance et des valeurs humanistes après de telles décisions ? 

Et comme cela semble être une période de prime à la stupidité, autant continuer et même attaquer nos propres entreprises et compromettre une part de leur activité. Humilier les sportifs russes, déconsidérer des musiciens n’était pas suffisant optons pour un suicide économique de nos entreprises ; une sorte d’escalade dans la bêtise incompréhensible. Elles n’ont pas été sommées directement d’arrêter leur activité là-bas mais la pression politique, médiatique et celle de certains activistes est vite montée, associé aux incertitudes concernant la disponibilité des matières premières et l’intégrités des chaînes logistiques, c’est un décrochage massif qui semble être possible. Heureusement Bruno Le Maire va nous sauver : « Nous ferons la liste des PME et des TPE qui pourraient être indirectement touchées (…) pour apporter le soutien dont elles pourraient avoir besoin »[37]. Un article du 24 mars 2022 dans le Progrès a attiré mon attention : « Auchan, Société Générale, Leroy Merlin... pourquoi de grandes entreprises françaises restent en Russie »[38] ; et bien j’aurais préféré qu’on m’explique pourquoi les  autres avaient quitté le pays… Peut-être à cause des phares de la pensée comme Yannick Jadot qui va jusqu’à accuser Total de « complicité de crime de guerre en Ukraine »[39], ou peut-être à cause des prescriptions de Volodimir Zelenski lors d’intervention au sein du parlement de notre pays :  "Les entreprises françaises doivent quitter le marché russe. Renault, Auchan, Leroy Merlin et autres, ils doivent cesser d’être les sponsors de la machine de guerre de la Russie" ;"Ils doivent arrêter de financer le meurtre d’enfants et de femmes, le viol" ; "Tout le monde va se rappeler que les valeurs valent plus que les bénéfices"[40]. Message bien entendu par Renault qui a annoncé la suspension de ses activités en Russie[41] ; pourtant le patron du Medef avait bien tenté quelques sorties médiatiques pour prévenir la catastrophe comme sur BFM TV où il a alerté sur le sort des 160 000 salariés d’entreprises françaises : « Ils n'ont rien demandé ces gens-là. Ils ont besoin de se nourrir, ils ont besoin d'être payés. Et notre responsabilité en tant qu'employeur, c'est d'abord de payer les salaires »[42]. Sans oublier l’éternel Macron dans un de ses rôles favori de pompier pyromane qui rêve de mener la croisade occidentale mais se rend compte que c’est plus complexe que prévu, nous le remercions de préciser : “Ma position est de laisser les entreprises décider pour elles-mêmes” en parlant des firmes qui ne sont pas liées aux restrictions, avant de poursuivre: ”C’est le choix des dirigeants de ces entreprises d’apprécier, en fonction de leurs équilibres, de leurs activités, de faire les choix qui conviennent.”[43]

 

   Absurdité enfin de l’envoi d’armes à l’Ukraine pour une grande partie de civils non préparés à leur maniement  avec l’assurance de faire durer le calvaire  tout en ayant la quasi certitude que la fin du conflit arrivera lorsque la plupart des demandes russes seront acceptées. Certains considéreront que ce n’est pas correct, que ce n’est pas moral, que ce n’est pas juste, on peut bien être d’accord sur certains points en comprenant toutefois qu’il n’y a pas d’autre issue possible, c’est simplement, rationnellement, logiquement le seul dénouement possible en prenant en compte un maximum de paramètres et sans doute le plus important de tous : la volonté d’éviter une 3ème guerre mondiale. A noter que la France n’hésite pas à vendre des armes à l’un de ses partenaires privilégié : l’Arabie Saoudite . Pays qui a annoncé le 12 mars 2022 avoir exécuté 81 hommes en une journée ; et comme le titre La Croix : « après l’exécution (…) le silence assourdissant de la communauté internationale »[44]. Si le gouvernement français avait une certaine cohérence, nous serions en train de débloquer des fonds pour livrer de l’armement aux rebelles yéménites plutôt qu’aux oppresseurs saoudiens. Dans ce cas pourtant on parlera de « pragmatisme », de « realpolitik » et aucun de nos médias humanistes qui ne condamne. Qu’en pense Volodimir Zelenski ?  Pour préserver  nos intérêts financiers et nos échanges avec un pays bien éloigné de notre idéal démocratique aucun état d’âme mais quand un risque majeur pèse sur le niveau de vie et même la survie de millions de personnes dans le monde on adopte tout de même des sanctions et on hésite pas à parler de « dictature »… étonnante forme de discernement. 

Pour en revenir à l’armée russe, elle pourrait subir des revers importants, cependant la probabilité qu’elle soit défaite parait assez faible. S’il on se met à la place de Vladimir Poutine, les enjeux semblent clairs : une ligne rouge avec l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ; c’est d’ailleurs la même requête émise par les Russes depuis des décennies à laquelle avait répondu favorablement l’occident lors de précédente négociations, pour lui, il n’est pas question de voir la possibilité que des missiles américains puissent être installés aux portes de sa patrie. Nous pouvons le comprendre et on peut rappeler la crise des missiles de Cuba en 1962 qui a mené le monde au bord de la guerre nucléaire. Il suffit de remplacer Etats-Unis potentiellement menacés par des missiles nucléaires, Cuba pays accueil du matériel militaire, Russie pourvoyeur d’armement par Russie potentiellement menacée, Ukraine pays accueil et EU pourvoyeurs ; l’Histoire est un éternel recommencement et les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets. Dès lors il est facile de comprendre que l’hôte du Kremlin n’acceptera pas l’arrêt de son action militaire sans la garantie de la neutralité de l’Ukraine donc la certitude qu’elle ne rentrera jamais dans l’OTAN ; on ajoute à cela la reconnaissance de l’annexion de la Crimée et la démilitarisation du pays[45]. Il est vrai que Volodimir Zelensky ne cachait pas ses velléités d’entrée dans l’UE et l’OTAN. Sachant que l’Ukraine serait intouchable en cas d’aboutissement du processus, Poutine a sans doute estimé que la seule manière de faire respecter les engagements passés sans être à l’origine instantanément d’une 3ème guerre mondiale était d’attaquer directement le pays voisin. C’est un calcul très froid mais je ne suis pas certains que d’autres dirigeants dans la même situation auraient agis différemment. Et c’est là qu’intervient, à mon sens la problématique de la différence de culture qui se répercute au niveau de la négociation. Le camp occidental  présente Poutine comme une brute épaisse paranoïaque à la santé mentale déclinante, adepte de la chasse à l’ours, qui ne s’est jamais départi de ses réflexe d’ancien membre du KGB et qui veut conquérir l’Europe, une personne que l’on ne peut pas raisonner ; les russes semblent voir les occidentaux comme des commerçants vendant leurs principes au plus offrant (Arabie Saoudite) ou au plus puissant (la Chine) tout en se targuant de défendre les grands idéaux humanistes, en sommes des négociateurs dont la parole n’a aucune valeur. Or, le tableau ne devrait pas être si caricatural et on pourrait voir dans Poutine quelqu’un qui a fixé la sécurité de sa nation comme priorité absolu et qui a battu en brèche l’idée qu’il voulait conquérir  toute l’Ukraine. Il considère sans doute avoir fait une concession avec la possibilité de ce qui serait une sortie par le haut pour son adversaire : la neutralité donc le maintien de souveraineté. De la même manière nous pourrions présenter les occidentaux comme sincèrement touchés par le sort d’un pays ami et ayant réagi avec un excès d’émotion dans un but de mobilisation de l’opinion mais qui ont conscience tout de même de leur impossibilité d’action directe. Il serait d’ailleurs intéressant de clarifier le rôle des EU avec un Président qui multiplie les sorties médiatiques hasardeuses et met de l’huile sur le feu à distance. Interrogations légitimes aussi auxquelles il faudrait s’intéresser sérieusement s’il existait encore un peu de déontologie journalistique : quand est-il de l’existence et de l’importance de ces laboratoires chimiques américains sur le sol ukrainien ? Laboratoires qui étaient présentés comme sortis de l’imagination des pro russes mais dont le contenu doit être détruit selon les recommandations des EU eux-mêmes… allez comprendre ! Pourquoi n’évoque-t-on quasiment jamais les liens entre Biden fils et le milieu des affaires en Ukraine ? Quels enjeux, quelles conséquences ? C’est tout de même son père qui envenime le conflit.    Donc en tenant compte de toutes ces informations, notre priorité absolue devrait être de préserver la vie des populations civiles. En effet, il semble totalement contre-productif d’envoyer des quantités de plus en plus importantes d’armes qui vont juste contribuer à alourdir le nombre de victimes en décalant dans le temps la résolution du conflit. Il serait sans doute plus judicieux de convaincre le chef d’état ukrainien d’accepter le statut de pays neutre qui ne compromet pas la relation avec les pays de l’OTAN, il sera toujours le temps d’imaginer des formes d’alliance et on peut compter sur le travail des américains pour jouer inlassablement de leur « soft power » pour les décennies à venir. Dans le même temps, oui à l’organisation de l’aide aux populations touchées : accueil temporaire, aide alimentaire, aide médicale… il y a tellement d’action plus utile que tenter par tous les moyens de pourrir la situation. D’ailleurs il y a de grandes chances que Zelenski accède aux demandes de Poutine, il a déjà accepté l’idée qu’il ne rentrerait pas dans l’OTAN[46], veut bien discuter de la neutralité de son pays[47] et de la reconnaissance de l’annexion de la Crimée[48] et l’UE refuse une adhésion en accéléré[49]… Pourquoi tourner autour du pot et perdre tant de temps et surtout de vies humaines ?  Nous avons appris le 26 mars 2022 que la Russie allait se concentrer dorénavant  sur la « libération » du Donbass. De nombreux observateurs évoquent un aveu de faiblesse de l’armée russe qui aurait été incapable d’atteindre ses objectifs de départ. La Russie proche de la défaite ? A voir… J’analyserais plutôt ce revirement comme une manière d’œuvrer, en changeant d’approche, à la poursuite des objectifs initiaux. Ils forceront la reconnaissance de l’indépendance du Donbass tout en conservant les autres revendications. Cela semble être une stratégie intéressante car permettrait à l’Ukraine de sortir par le haut : ils pourront mettre en avant le courage de leur résistance et le fait que le pays n’a pas été «battu » donc de céder à l’ensemble des demandes de l’ennemi sans perdre totalement la face. Mais tout de même, quel temps perdu, quel nombre de vies gâchées et perdues, quelles conséquences dramatiques sur l’économie mondiale… Pourquoi ?

 

Hypothèses explicatives : met-on en place une nouvelle « stratégie du choc » ? 

 

Cette partie relève d’une analyse personnelle de certaines informations et faits retenus. Elle n’a pas la prétention d’établir une vérité, impossible à démêler sans avoir les aveux des principaux intéressés. Je laisse donc le lecteur seul juge de la pertinence des remarques et espère qu’elles pourront alimenter la réflexion de quelques-uns d’entre eux.

 

    Tout d’abord l’hypothèse que je choisis d’écarter : l’incompétence ; qu’elle résulte de la bêtise, de l’ignorance sur certains sujets, d’une arrogance empêchant d’accueillir la contradiction, d’une déconnection avec la population ou encore d’une décompensation psychologique liée à la charge émotionnelle de l’évènement, et il est bien clair que nombre de décideurs et journalistes peuvent être saisis par l’un ou l’autre de ces maux. Pourtant je n’y crois pas , compte tenu du nombre de personnes présents dans la chaîne de décision, du nombre d’experts ayant déjà appris de situations similaires passées et surtout du nombre d’intervenants ayant très vite sonné l’alarme dans les médias comme nous l’avons évoqué précédemment, je ne peux pas croire que ces décisions n'aient pas été prises en totale connaissances de cause. Et la totale asymétrie de traitement entre des conflits d’ampleurs aussi dramatiques dans l’horreur ne peut que poser question. Il me parait totalement improbable que l’ensemble des dirigeants du monde occidental et leurs entourages aient pu, contre toute rationalité, et à la lumière des enjeux, perdre leur sang-froid de concert. Dès lors, comment expliquer que les pays européens choisissent de condamner leurs propres peuples à des sacrifices sans précédent sur l’autel de la morale et de l’idéologie du moment. 

     Je vois dans ces prises de décision erratiques la mise en place et le développement de «la stratégie du choc » énoncée par Naomi Klein dans son ouvrage du même nom sous-titré « La montée d’un capitalisme du désastre ». Elle démontre avec force d’exemples la prise de pouvoir et l’installation au cœur de états de l’idéologie néo libérale issue de l’école de Chicago, en profitant de crises majeures sidérant les populations et fragilisant économiquement les pays. Ce qui conduit à l’entrisme des grandes entreprises et groupes financiers qui se  ménagent des profits et des parts de marché sur les ruines de pays sinistrés ; privatisations massives, destructions des services publiques et fin des politiques sociales le tout sous le patronage des grandes institutions comme le FMI et les Banques centrales qui savent parfaitement prendre à la gorge les gouvernements et faire des propositions impossibles à décliner… Les exemples de crises décrits sont légion, que ce soient les catastrophes naturelles (ouragan Katrina en Nouvelle Orléans, tsunami du 26 Décembre 2004), les guerres (guerre des Malouines, guerre en Irak), les coups d’Etat (Pinochet au Chili) ou les révolutions (fin de l’Apartheid en Afrique du Sud, Solidarnosc en Pologne). A différentes causes… les mêmes effets. Je résumerais ainsi « la Stratégie du choc »: crise majeure, décrochage économique et sidération des populations, infiltration et  influence des idéologues, économistes et autres consultants néo libéraux, pression des grande institutions internationales, urgence donc aucune alternative, adoption des solutions données clé en main.  

     Évidemment comparaison n’est pas raison et il ne s’agit pas de faire un « copier-coller » des situations passées ; le capitalisme d’aujourd’hui (domaine d’activité, forme du travail, financiarisation de l’économie) n’est pas celui d’hier et il s’agit de présenter ce qui ferait la particularité de la crise ukrainienne qui nous intéresse ici. Dans l’ouvrage déjà évoqué un passage a attiré mon attention. Mention est fait d’une conférence le 13 janvier 1993 au dixième étage du palais des congrès Carnegie ; l’hôte étant « John Williamson, puissant économiste connu pour avoir façonné la mission du FMI et de la Banque mondiale »[50], il eut ces mots : « On peut se demander s’il y aurait lieu de songer à provoquer délibérément une crise dans l’intention de supprimer les obstacles politiques à la réforme. Dans le cas du Brésil, par exemple, on laisse parfois entendre qu’il faudrait attiser l’hyperinflation pour effrayer les gens et les obliger à accepter ces changements. (…) Au milieu des années 1930, aucune personne ayant la capacité de prédire l’histoire n’aurait osé affirmer que l’Allemagne et le Japon devaient entrer en guerre pour profiter des avantages de la supercroissance qui a suivi la défaite. Mais une crise de moindre envergure aurait-elle pu avoir le même effet ? Peut-on imaginer qu’une fausse crise serve les mêmes fins sans entraîner les coûts d’une crise réelle ? » (John Williamson, The political Economy of Policy Reform, p.19,26)[51]

L’histoire, à ma connaissance, ne nous a pas dit si ce conseil avait été beaucoup suivi depuis. La seule crise jusqu’à maintenant ou le doute est permis est la guerre en Irak lorsque l’on sait sur la base de quel mensonge, révélé depuis, a été déclenché l’attaque américaine sur le pays (absence d’armes de destruction massive et épisode affligeant de la fiole avec Colin Powell[52]). Cependant, impossible de connaitre les intentions réelles des instigateurs de cette guerre lorsque l’on sait que le secret défense protège toutes les données sensibles. Dans les faits, par contre, on sait que « la stratégie du choc » a été un cas d’école là-bas avec les entreprises américaines spoliant toute l’économie du pays. 

Avec le conflit en Ukraine et surtout les sanctions économiques prises par les occidentaux, il me semble que nous atteignons encore une échelle bien supérieure. En effet là il ne s’agit pas  d’installer un nouveau modèle économique dans une pays (l’Ukraine) déjà ouvert aux privatisations et au modèle néolibéral mais d’utiliser ce conflit pour lancer une batterie de sanctions qui, elles seront bien à l’origine du « choc économique mondial » rendant les changements obligatoires. Petite précision rhétorique lorsque l’on entend dans la bouche de nombreux commentateurs : « la guerre en Ukraine a pour conséquence… ». Il est toujours important de s’interroger si la conséquence évoquée est bien due directement au conflit armé qui reste circonscrit à une zone géographique restreinte et qui pourrait être réduit dans le temps (si la résolution était rapide) ou si cette conséquence n’est pas plutôt due aux sanctions prises par les pays de l’OTAN et alliés. 

 

    Je me propose donc de préciser mon hypothèse. Les sanctions prises contre la Russie dans ce conflit, les conséquences directement observables ainsi que celles prédites servent de moteur pour l’accélération d’un changement de modèle mondiale. Ce nouveau modèle se caractérise par une transition écologique radicale à marche forcée associée à un capitalisme technologique de surveillance. Ces deux caractéristiques du modèle ne semblent pas remporter l’adhésion des opinions publiques mondiales ; en effet, qui souhaitent être contraint dans ses déplacements, dans l’utilisation de son véhicule, restreint au niveau de la consommation d’énergie, obligé dans ses habitudes alimentaires et enfin surveillé pour s’assurer que les prescriptions sont suivies à la lettre ? Personne je pense, et la crise économique qui suit les sanctions et va aller crescendo œuvrera comme un « nudge » à l’échelle mondiale, cette incitation à la manière du « coup de coude » théorisé par Richard H. Thaler dans son « économie comportementale ». Il s’agit de mettre en place les conditions pour que collectivement les populations soient incitées à penser : « il n’y a pas d’alternative » ou encore « nécessité fait loi ». 

Plusieurs signaux faibles m’ont semblé abonder dans ce sens. A ce propos le passage déjà évoqué d’Elie Cohen dans les matins de France culture est éclairant. A la question de savoir si on peut se passer des hydrocarbures russes il a répondu sans détour : « On ne peut pas se passer des importations de gaz et de pétrole » ; «ce que l’on peut faire à court terme c’est mobiliser nos réserves, c’est acheter marginalement un peu plus ailleurs , mais par contre pour l’hiver prochain, c’est ce que dit le ministre, l’hiver 2022-2023 nous aurons à appliquer d’autres mesures. » ; « c’est le choc pétrolier de 74 et de 79, souvenez-vous c’est la lutte anti gaspi, souvenez-vous « on n’a pas de pétrole mais des idées », souvenez-vous c’est la baisse d’un degré du chauffage, souvenez-vous « sortez vos vieux pulls », la restriction de circulation automobile pendant le week-end etc etc… » (…) « Il faudrait rentrer dans une logique de restrictions limitées qui accompagnent une hausse des prix très forte qui elle-même susciterait de moindre consommations puis, à ce moment-là, une substitution gaz-charbon, une substitution gaz-électricité qui à ce moment-là susciterait une nouvelle vague d’économie d’énergie, une nouvelle vague d’équilibre énergétique, peut-être une accélération des programmes renouvelables. Une situation de ce type induit toute une série d’effets à court, à moyen et à long terme.»  Et bien quelle précision, il n’y a plus qu’à mettre en œuvre… Et dans la même veine, L’Obs pose la question : « La guerre en Ukraine peut-elle accélérer la transition écologique en Europe ? » et ils nous expliquent « le conflit en cours risque d’avoir des conséquences négatives sur la transition énergétique dans les années à venir. Mais il pourrait, à plus long terme, lui donner un coup d’accélérateur. » Décidément ils se sont passé le mot. On a pu entendre aussi des écologistes donner leur recette miracle pour diminuer la dépendance aux céréales russes destiné aux élevages : avoir une alimentation moins carnée ; et pourquoi pas privilégier aussi la consommation d’insectes d’élevage et pousser pour la démocratisation de la viande de synthèse ? Reporterre a publié un article intéressant sur ce sujet et avance comme premier levier d’action face au choc à venir sur le système alimentaire : « Accélérer la transition vers des régimes alimentaires plus sains avec moins de produits d’origine animale en Europe (et dans d’autres pays à revenu élevé) »[53]. Je ne remets pas en cause la pertinence de certaines de ces mesures et l’importance de réduire la consommation de viande même pour des considérations de santé, cependant, j’ai un problème avec le fait qu’on me l’impose, et en plus pour des raisons tout à fait évitables, l’impression d’être baladé est juste insupportable. Autre prescription d’un journal ayant sans doute pour objectif principal le bien-être des populations les plus précaires ; Capital conseille gentiment les ménages consommant du gaz « d’envisager d’électrifier totalement leur logement » pour faire face à l’explosion des prix ; « Un lourd investissement, mais qui constitue un passage obligé et serait même rentable à terme, jugent les experts »[54]. Petite observation, nous pouvons tous nous rendre compte en ce moment qu’après l’installation polémique des compteurs intelligents Linky pour l’électricité  vient celle des compteurs intelligents pour le gaz, et viendra  celle des compteurs pour l’eau. Comme d’habitude cela est censé nous faciliter la vie, nous permettre de mieux contrôler notre consommation, améliorer notre quotidien en somme ; pourtant, ayant l’esprit mal tourné, je vois plutôt la mise ne place de tous les dispositifs nécessaires à la facilitation des coupures très ciblées. Avec les rationnements que l’on nous promet, c’est plutôt le quotidien des pouvoirs publics et des entreprises fournissant ces services qui sera amélioré.

Réflexion qui nous amène au nouvel Eldorado technologique et numérique, qui permettra aux bienfaiteurs de l’humanité de toujours s’enrichir un peu plus en basant leur « story telling » sur une fraude intellectuelle majeur au niveau écologique avec cette illusion de la dématérialisation : dépendance aux métaux rares, explosion des demandes en électricité pour le minage des crypto-monnaies, refroidissement des « datacenters », multiplication des antennes… Ne sommes-nous pas en train d’emprunter une transition écologique vers le pire ? 

Quel rapport avec le conflit en Ukraine me direz-vous ? Bien que cela paraisse contre-intuitif, l’affrontement entre Russie et Ukraine a été le théâtre de nombreuses avancées en la matière.

Déjà cela a été un énorme coup de publicité pour le système StarLink d’Elon Munsk[55] permettant de garantir une connexion internet par satellite même dans les zones conflit et bientôt dans les moindres recoins du monde… Bonne nouvelle, peut-être que les peuples promis à la famine pourront se nourrir de légumes en NFT (Jetons non fongible) sur le Métavers. Autre domaine un peu obscure pour moi, les crypto-monnaies, au-delà de l’innovation qu’elle représente je ne vois pas l’intérêt de développer ce type d’échange si dépendant d’un système numérique totalement dématérialisé d’une fragilité qui me semble rédhibitoire  (les saturations de réseaux électriques et le pain béni que cela représente pour les hackers). Je devais encore faire fausse route lorsque je vois l’usage qui en a été fait. On apprend dans un article de La Croix que « le Président  Volodymyr Zelensky a donné cours légal aux crypto-monnaies dans le pays »[56]. Le gouvernement ainsi que des ONG ont reçu des dons en crypto-monnaies et TV5 monde nous explique « cette initiative prise par le gouvernement ukrainien marque une avancée importante pour les acteurs des crypto-monnaies. Jusqu’ici, ces derniers ont dû faire face à l’hostilité des États et des grandes institutions, inquiets du caractère instable de ces monnaies »[57]. Il est vrai que dans de telles circonstances on voit mal qui oserait émettre une critique sur ce dispositif. J’avais aussi l’image d’une manière de s’émanciper du système bancaire afin de trouver une forme de liberté en phase avec les premières promesses de l’internet. Je déchante donc en apprenant que les Etats peuvent s’inviter et poser un cadre légal, point de départ d’une régulation. On apprend d’ailleurs dans la Chronique « Et maintenant ? » de Quentin Laffay sur France Culture le 9 mars 2022 que, selon Hugo Estecahandy, doctorant à l’Institut français de géopolitique et chercheur au sein du projet Géopolitique de la datasphère , « les agences de contrôle ont développé des outils puissants pour tracer les transactions ». Donc, si je comprends bien les enjeux, les gouvernements se saisissant de cette innovation pourraient tracer toutes les transactions sans intermédiaires, donc plus question de secret bancaire… décidément je deviens paranoïaque. On apprend d’ailleurs sur le site ZeroHedge tenu par des salariés et ex-salariés sur Wall Street que l’Ukraine se préparait à ce grand saut depuis 2016 et que le Canada, les US, UK ainsi que l’UE projetaient déjà la mise en place de « crypto-monnaie banque centrale »…  le conflit armé ayant servi d’accélérateur pour l’Ukraine[58]

Quelle ne fut pas ma surprise aussi en apprenant dans La Voix du Nord  que l’entreprise américaine « Clearview AI », spécialiste de la reconnaissance faciale avait donné aux dirigeants Ukrainiens un accès gratuit à ses services[59]. Ouvre de bienfaisance  pour permettre d’identifier les dépouilles  des soldats russes à l’aide d’une base de donnée qui compte 2 milliards d’images issues de VK (le face book russe) ou cadeau empoisonné :  « la start-up Clearview AI est visée par des plaintes dans cinq pays. En France, la plainte a été déposée auprès de la CNIL, pour violation du « RGPD (NDLR, le dispositif juridique européen de protection des données) et (de) la Loi Informatique et Libertés » ». Difficile à dire… Et peu de mentions à part sur Business Traveler France du fait que le gouvernement ait lancé « l’application Diya qui permet d’accéder à tous les documents concernant un individu. Le pays est ainsi devenu l'un des premiers en Europe à proposer l'identité numérique, celle voulue par les dirigeants européens et les mondialistes avec le Covid passe qui préfigure l'identité numérique voulue par Bruxelles. »[60]  En effet, dès le 3 juin 2021, la Commission Européenne avait proposé de « développer une identité numérique accessible à tous les européens »[61]. Nous pouvons être rassuré en apprenant dans La Croix : « Avec ce « portefeuille virtuel » (« e-wallet ») inédit, l’Europe veut « nous faciliter la vie », a souligné la Danoise Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne »[62]

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il semblerait que l’Ukraine, sous les bombes, soit devenu un laboratoire des futurs pratiques numériques avec une déclinaison locale de la « stratégie du choc » ; en effet, qui pour s’opposer en temps de guerre ?  Crypto-monnaies banque centrale permettant de tracer toutes les transactions financières, reconnaissance faciale permettant de pister plus facilement les citoyens et identité numérique ; futur désirable ou dystopie numérique ? 

 

     La crise Ukrainienne s’avère, par son ampleur, être un catalyseur du changement, cependant si le conflit avait été de courte durée avec l’OTAN se tenant à l’écart, les conséquences aurait pu être bien plus limitées. C’est pour cela que doit être interrogé, creusé, disséqué le rôle de l’OTAN ; des décisions qui ont envenimées les choses, fait durer les combat, déclenché une catastrophe économique dont les conséquences sont encore difficilement mesurables avec Macron[63]et Biden qui reconnaissent des famines à venir ; le Président américain mettant d’ailleurs en cause directement les sanctions[64]… et pourtant, ils se sont acharnés alors que le bon sens aurait voulu qu’ils fassent marche arrière. Ces individus qui se vantent d’être « réalistes », comment justifient-ils d’avoir sacrifier à la fois le peuple ukrainien ainsi que des millions d’autres êtres humains à l’avenir, partout sur le globe alors qu’ils auraient pu préserver l’ensemble en s’abstenant ? D’où mon hypothèse personnelle : nous avons affaire à des personnages d’un cynisme absolu capable de jouer avec la vie de leurs contemporains dans le seul but de dérouler leur agenda sans se soucier des conséquences.  Comme je l’ai déjà évoqué, faute d’aveux directs de décideurs ou de fuite de documents sensibles, il est impossible d’assurer de l’intention réelle des décisionnaires et je ne peux donc pas dépasser le stade des suppositions.    

    Dans tous les cas, nous avons pu identifier en conséquence toutes les composantes d’une transition « écologique » radicale et violente, une manière de forcer la main des réticents en imposant des mesures qui n’auraient jamais pu être « mises sur la table » en temps normal. Les politiques ont mis les œillères pendant des décennies, ils ont ignoré les alertes des écologistes de la première heure pour laisser prospérer les « business » les plus sales et polluants, ils ont poussé à la consommation, à vivre dans l’illusion de la croissance matérielle éternelle et maintenant qu’ils se réveillent ils vont taper à bras raccourcis sur leurs populations qu’ils rendent responsables, et s’ils peuvent transférer au passage les profits vers un secteur technologique pour continuer à s’enrichir ils ne s’en priveront pas. De plus, une intuition me laisse penser qu’ils ne vivront pas les restrictions de la même manière que nous. 

 

 P.M.

 



[50] Naomi Klein, La stratégie du choc, éditions Babel, p. 391.

 

[51] Naomi Klein, La stratégie du choc, éditions Babel, p.394.

 

Pourquoi je ne voterai pas à l’élection présidentielle de 2022

Dimanche 10 avril 2022 je ne serai pas en déplacement, j’aurai la capacité de me rendre au bureau de vote, je ne me désintéresse pas du tout...