dimanche 10 mai 2020

La catastrophe comme révélateur. Allons-nous finalement changer de paradigmes ?

     Ce drame sanitaire est un séisme mondial, les conséquences de la propagation de la COVID-19 sur la planète entière, ont ouvert des failles béantes à tous les niveaux de nos organisations humaines contemporaines surtout dans les secteurs où certains évoquaient déjà de simples de fractures. Nous n’avons plus le choix, il faut dépasser l’unique commentaire,  une relative indifférence ou au mieux une compréhension des enjeux jamais suivie de condamnation claire et surtout, il est nécessaire de mettre en oeuvre des actions concrètes. Cette crise démontre les insuffisances dans tous les domaines et devrait mener à une remise en cause profonde de notre mode de vie actuel. Cette catastrophe agit, au niveau de notre société, à la manière de la solution dans les bacs de révélateurs photographiques qui rendent l’image latente totalement visible. Il n’est plus possible d’ignorer.
     L’organisation des différentes parties du développement qui suit a pour unique but d’essayer de rendre le texte moins confus. Bien sûr tous les domaines évoqués sont plus ou moins interconnectés et s’inscrivent dans un contexte global; certaines répétitions sont donc inévitables.

Révélateur politique de l’incurie tragique d’un gouvernement d’amateurs.

     Nul besoin de revenir en détails sur toutes les preuves qui s’accumulent au plus haut sommet de l’Etat et prouvent que le procès en « amateurisme » est totalement justifié. Du fameux « qu’ils viennent me chercher » pendant la sombre affaire Benalla jusqu’au non moins fameux « soyez fiers d’être des amateurs » assénés par le Président lui-même après une performance de ses députés qui restera dans les annales des pires votes de parlementaires (vote, par la majorité LRM, contre l’augmentation des congés d’un salarié pour la perte d’un enfant). Et que dire des errements de plusieurs tenants des plus hautes responsabilités : un ministre de l’intérieur ivre en boite de nuit un jour de manifestation, le ministre de l’écologie qui profite de l’argent du contribuable à base de homards et grands crus tout en officiant dans un gouvernement défendant une grande austérité budgétaire, un secrétaire d’Etat qui montre un talent de vidéaste amateur hors du commun, une porte parole qui enchaîne bourdes et manipulations d’informations… Coluche ou Les Inconnus à leur meilleur niveau n’auraient pas osé de sketchs aussi surréalistes… Pourtant les signes étaient bien flagrants malgré la complaisance d’une majorité des médias traditionnels. Certains mensonges et dissimulations ont d’ailleurs eu un impact médiatique pour le moins modéré : la débâcle de la gestion de la catastrophe de Lubrizol, les dissimulations d’information quant à la pollution au plomb aux abords de Notre Dame suite à l’incendie révélées par Mediapart ou la vulgaire et flagrante manipulation des chiffres lors de la restitution du grand débat mise en avant seulement par des journalistes du Monde… Comment s’étonner alors de la démonstration d’incompétence de nos dirigeants lors d’une des crises les plus importantes de la 5ème République ? 
     Reprenons le fil avec quelques faits marquants : l’un des évènements déclencheurs semble être la sortie médiatique d’une certaine Agnès Buzyn qui explique qu’au moment où elle quittait son poste de ministre de la santé, le gouvernement savait[1]… il connaissait l’ampleur que prendrait cette épidémie et n’a pas agi en conséquence. Dès lors comment justifier de renvoyer chez eux en confinement les élèves français ayant fait un voyage en Italie et « en même temps » maintenir la venue de 4000 supporters italiens à Lyon pour un match de football ? Comment justifier de tenir le premier tour des élections municipales et « en même temps » annoncer un nécessaire confinement ? Comment justifier les discours expliquant l’inutilité des masques et « en même temps » faire des pieds et des mains pour s’en procurer ? Sur ce dernier point d’ailleurs, certains ont reconnu un mensonge « pour la bonne cause », pour ne pas faire paniquer les français[2]… Quelle grande marque de confiance ou plutôt…quelle infantilisation ! Comme si le citoyen français « décérébré » était incapable de comprendre une phrase simple comme : « Il y a une pénurie de masques et compte tenu de leur importance nous les réservons pour le personnel soignant ». A aucun moment l’idée ne les a effleuré que les informations circulaient au niveau international, que certains pays ayant déjà expérimenté notre situation comme la Chine et la Corée du Sud pouvaient tenir des discours opposés, à aucun moment ils n’ont pensé que ces discours contradictoires étaient à l’origine justement de la panique ? Tergiversations sur la question des masques parce qu’il y a pénurie, tergiversations sur la question des tests parce qu’il y a pénurie, tergiversations sur les traitements médicamenteux parce qu’il y a pénurie de cerveaux disponibles, manque d’appareils respiratoires, manque de gel hydro alcoolique, manque de vêtements de protection… Et avec tous ces éléments connus, le clou du spectacle : pas de confinement ultra strict à la manière de certains pays qui ont décidé uniquement le maintien des activités essentielles concernant surtout la santé, la sécurité et l’alimentation… C’est tout simplement criminel, il n’y a pas d’autres mots, un gouvernement qui sacrifie une partie de sa population par son incompétence et son incapacité à prendre une décision claire et nette. On peut toujours en appeler à l’unité nationale pour masquer ces fautes graves, on peut toujours espérer que le temps fera son office et que les mémoires seront courtes, que des opérations de communication et des beaux discours vont apaiser les esprits… Mais allez dire ça aux familles des Maires et assesseurs décédés après la tenue des élections municipales, allez dire ça aux familles des personnes âgées décédées isolées dans leur EHPAD, allez dire ça aux familles des soignants envoyés « au front » sans le minimum de matériel nécessaire. Comment croire une seule seconde que l’étalage de leur mauvaise foi la plus crasse ne va pas entrainer des réactions de rejet violentes ? 

    En terme d’idéologie, de philosophie politique le choc est aussi rude. Bien sûr il ne s’agit pas de défendre l’idée d’un régime autoritaire. D’ailleurs à ce sujet il faut reconnaître que le jeu des élections démocratiques, dans la cinquième République, conduit à une quasi monarchie parlementaire avec tout le pouvoir concentré entre les mains d’un seul homme : le Président, qui l’exerce avec la complicité de sa majorité. Il n’est donc pas question de « pouvoir politique » pour prendre les bonnes décisions mais clairement de « courage politique ». En parlant de monarchie, l’exemple du Maroc est assez extraordinaire : au moment où la France se demande encore comment récupérer des masques, eux en ont en vente libre dans les supermarchés … Manque de respirateurs chez nous, ils en construisent par centaines chez eux… Confinement étonnamment lâche chez nous selon plusieurs spécialistes comme Philippe Klein, eux ont mis en place un confinement strict avec couvre-feu à partir de 18h…  Macron a beau jeu de parler des « dictatures », de les dénoncer comme pour la Chine et la Russie au point que l’équipe gouvernementale continue à les attaquer « en même temps » qu’elle reçoit leur aide… dénoncer l’instrumentalisation faite par ces pays de l’aide qu’ils apportent aux autres[3] relève de la bêtise pure à un moment où notre propre pays se trouve dans une situation de manque digne d’un pays du tiers monde ! Le minimum de décence aurait été de s’abstenir de donner des leçons dans de telles circonstances. 
   Un pays exemplaire dans ces temps difficiles dont les efforts ne me semblent pas reconnus à leur juste valeur : Cuba. On a caricaturé à l’extrême, pendant des décennies un « régime castriste dictatorial ». La critique du pouvoir est toujours nécessaire mais l’idéologie ne devrait pas prendre le pas sur les faits et la raison. Il s’agit là d’un petit pays qui envoie des armées de personnels soignants dans le monde entier[4] et jusqu’en Europe[5] avec un écho médiatique très réduit. Des députés français ont même réclamés leur aide au Premier ministre[6] ; et pour ceux qui ne le sauraient pas, leurs médecins ont déjà été sollicités pour pallier aux manques en la matière en Guyane donc sur le territoire français[7]… Il ne faudrait pas que le dogme progressiste et moderniste nous fasse perdre toute lucidité. Je ne demande pas que l’on exporte un modèle clé en main chez nous. Cependant ne nous empêchons pas  de voir, et éventuellement d’intégrer, les points positifs qui ressortiraient de l’étude du fonctionnement de nations trop longtemps vouées aux gémonies. 
  
Révélateur économique des limites irréfutables du libéralisme, néolibéralisme, de l’économie de marché ou quelque autre nom que l’on veuille bien donner au système actuel. 

  Dans cette partie il n’est pas question d’évoquer les externalités négatives, les soi-disant dommages collatéraux que beaucoup considèrent comme nécessaires pour la survie d’un tel système ; nous y reviendrons plus tard en traitant des conséquences écologiques. 
   Rappelons tout de même qu’au nom du pragmatisme économique (de la loi de l’offre et de la demande), un certains nombre de pratiques sont largement acceptées depuis longtemps. Un exemple simple : la vente  d’armes de guerre à certains pays qui mènent des conflits pour le moins contestables avec pour conséquences la mort de milliers de civils. Cependant il ne semblerait pas que cette question indigne l’ensemble de la population française… Et c’est pour cette raison que la crise qui nous touche actuellement oblige à une prise de conscience violente ; elle touche tous les français directement, dans leur chair. Il n’y a plus cet effet de distanciation, plus de possibilité de mettre de côté le sentiment d’empathie pour ces populations éloignées qui devrait être naturel. Mais l’empathie ne rapporte pas d’argent me direz-vous et il ne faudrait pas être trop « fleur bleue ». Pourtant, à mon sens, il ne s’agit pas d’une question émotionnelle, mais plutôt d’une question de principes, de valeurs défendues dont le manque revient toujours au visage dans les circonstances les plus graves… Le meilleur exemple actuellement est la surenchère pour l’obtention des masques et du matériel élémentaire de sécurité « à tout prix » ; quel qu’en soit « le coût », même moral. Que dire de cette bataille de « chiffonniers » livrée sur le tarmac des aéroports avec les conséquences que l’on sait : les Etats Unis qui raflent la cargaison destinée à la France[8]. La loi du marché serait-elle bien la loi du plus fort financièrement finalement ? L’économie de marché c’est aussi la loi du moindre coût et « parfois » de la moindre qualité, comme en témoignent ces infirmières de la Timone à Marseille à propos de surblouses importées de Chine qui se déchirent à peine l’emballage ouvert[9], ici l’obsolescence programmée devient mortelle… Mais ce système n’en est pas à une contradiction près ; intéressons- nous à cet exemple magistral du libéralisme économique, du progressisme total que sont les Etats-Unis ; la crise là-bas est encore plus brutale : des millions de gens qui n’ont tout simplement pas les moyens de se soigner et sont laissés sans ressources[10], une aide qui vient de pays sous embargo économique comme la Russie[11], les même mesures d’embargo maintenue contre Cuba qui montre une attitude exemplaire dans l’aide humanitaire aux pays développés[12] ; la boussole est cassée, les « pays du Nord » sont perdus. 
   L’exemple de l’Italie, pays européen le plus durement touché a alimenté cette réflexion critique. On trouve par exemple Politis qui parle du « mutisme des néolibéraux et austéritaires en Italie »[13] ou le média Le Vent se Lève qui pose la question : « Le néolibéralisme, maladie incurable de l’Italie ? »[14]. Analyse très intéressante que l’on peine à retrouver dans le travail des éditorialistes français hors des médias habitués à cette forme de critique. En effet, ce discours rencontre moins d’écho chez nous dans les espaces d’actualités « grand public » ; sorte de mécanisme de transposition intellectuelle qui permet de pointer chez le voisin ce que l’on ne veut pas identifier chez nous. Dès lors, il semble nécessaire de s’intéresser aux exposés de portée mondiale : ici la sociologue Eva Illouz évoquant « L’insoutenable légèreté du capitalisme »[15], ou là le chercheur Demba Moussa Dembélé, parlant du Sénégal, qui décrète : « les recettes néolibérales ont mené le monde à la catastrophe : trop c’est trop ! »[16].
   Insistons tout de même sur l’univers mental de notre président hors sol qui s’évanouit. Un gouvernement qui ne jurait que par la privatisation et qui maintenant vante la nationalisation par temps de crise[17]. Un président qui doit se rendre à l’évidence : l’ouverture des marchés a malheureusement conduit à des délocalisations industrielles massives pour un pays comme la France qui n’a plus aucune autonomie dans certains domaines indispensables[18]… Ou encore, et c’est le plus grave, la reconnaissance bien trop tardive de l’importance vitale d’un service public bien équipé, à qui l’on donne tout simplement les moyens de sa mission sans considérations d’objectifs financiers[19] (un système médical solide et ouvert à tous ne doit pas être vu comme un coût pour notre société mais comme un investissement dont les bénéfices seront énormes même s’ils ne sont pas chiffrables). Des moyens sollicités à cor et à cris par le personnel soignant depuis le début du quinquennat : mouvements contre les fermetures de services, grèves de la faim, manifestations en tout genre, grèves administratives de directeurs… et jamais de réponse. On trouve même le député européen LREM-Renaissance Bernard Guetta qui intitule un article : «Le coronavirus signe la deuxième mort de Margaret Thatcher »[20], c’est dire…

Révélateur écologique de l’incompatibilité, qui n’est plus simplement théorique, entre activité économique tournée vers la croissance et sauvegarde de notre planète.

     Le débat n’est toujours pas tranché ; pourtant depuis des années, il est clair que le paradigme de la croissance comme seul horizon semblait avoir atteint ses limites, mais la fuite en avant était telle qu’aucun gouvernement ne voulait prendre la responsabilité de sortir du modèle de peur de se trouver économiquement à la traîne. D’où ces appels incessants au pragmatisme et la relégation constante au second plan, malgré tous les discours, de la question écologique. Les appels au changement radical étaient pourtant nombreux : les « décroissants » toujours stigmatisés par les médias traditionnels, les A-croissants, les post-croissants, les adeptes du minimalisme, de la simplicité volontaire ou de la « sobriété heureuse »… Des divergences idéologiques existent bien sûr mais l’idée générale est bien un abandon du mode vie consumériste actuel dans nos sociétés dites « développées ». Personne ne voulait prendre la responsabilité d’une baisse de la production mondiale de masse et des échanges internationaux irrationnels et anti écologiques ? Et bien le virus s’est chargé de nous forcer la main, mais quel malheur d’avoir dû en arriver là… d’attendre une catastrophe pour démontrer une évidence. L’activité humaine sans mesure est bien la principale responsable de la majeure partie des fléaux écologiques : la disparition des écosystèmes, l’augmentation de la pollution de l’air et de l’eau, l’empoisonnement généralisé et même l’augmentation de l’activité sismique[21]. Mais avec la période de crise actuelle nous sortons du cadre purement théorique dans lequel il n’y a aucune possibilité de comparaison objective et réelle entre ces deux états : croissance mondiale toujours exponentielle et pause généralisée de la production. Le cadre empirique à grande échelle s’est posé lui-même et les résultats ne se sont pas faits attendre.

   Avec l’activité humaine en pause forcée, notre planète, à la manière d’un organisme qui récupère de l’attaque d’un parasite agressif, se régénère. La grande question qui est donc posée : cette phase de convalescence pourra-t-elle se poursuivre jusqu’à la guérison ? Métaphore excessive pour certains mais qui repose sur plusieurs constats assez convaincants. Une consommation énergétique dédiée à l’objectif de croissance qui diminue : une demande de pétrole en baisse[22], une consommation d’électricité qui suit le même chemin[23], une moindre nécessité en matières premières pour toutes les industries du monde et donc, par extension, une préservation des ressources naturelles mondiales. Amorçage « d’une décrue historique de la libération de C02 » selon Christian de Perthuis[24], ce qui aide à dénoncer la fraude intellectuelle du « développement durable », de « l’économie verte »  qui apparaît bien comme du « greenwashing ». Tous les indicateurs de pollution passent bien du rouge au vert… qualité de l’air qui s’améliore[25], l’eau qui reprend ses couleurs[26], des paysages qui redeviennent visibles[27]… Par conséquent les différents écosystèmes semblent retrouver de l’air[28] : un loup aperçu en Seine-Maritime[29], un requin proche des côtes[30], des poissons de retour dans les canaux de Venise[31], des dauphins dans le port de Cagliari[32], les abeilles qui n’ont jamais autant produit alors que l’année dernière nous semblions plus proches de l’extinction[33]… Même l’activité sismique se trouve diminuée[34] ; symboliquement, dame nature arrête de gronder et retrouve un peu de calme.  Mais pour combien de temps ? L’inquiétude est bien sûr de mise avec un certain nombre de nos acteurs nationaux qui appellent à agir après cette crise plus vite et plus fort : Jean Baptiste Djebarri comme soutien indéfectible des compagnies aériennes[35], Bruno Lemaire qui souhaite que l’économie redémarre « le plus fort possible, le plus vite possible »[36], le président du Medef qui demande un moratoire sur les mesures environnementales[37], Xavier Darcos qui voudrait que l’Etat soutiennent les français pour relancer l’achat de nouvelles voitures dès le 11 mai… n’en jetez plus !  Pourtant peu de débats télévisés semblent s’intéresser à cette vision des choses, quelques articles ça et là, des titres de presse ou autre sites spécialisés qui restent confidentiels… la convention citoyenne pour le climat disparue des radars, pas de grand format sur BFM TV, pas de soirée thématique sur France 2, pas de reportage sur C News… surtout ne demandons pas à Pascal Praud de parler de climat, ce n’est pas son sujet de prédilection et il est trop occupé à charger les enseignants. Cependant il n’est plus possible de se leurrer : croissance ininterrompue, échanges internationaux, débauche d’énergie… tout cela est incompatible avec la préservation de notre habitat. Nous sommes bien à l’heure des choix. 
       
Révélateur de la désuétude  de certains mythes pourtant incontestables jusque là.  

« L’Europe solidaire ».

    Non l’Europe  n’est pas un simple marché économique totalement anti démocratique ! Non le pouvoir n’est pas concentré entre les mains d’une bande de technocrates qui manœuvrent sans prendre en compte la volonté des populations européennes ? Bien sûr que le parlement européen sert à quelque chose et n’est pas une simple chambre d’enregistrement ! Il serait totalement faux de dire que ceux qui ont le plus de pouvoir sont les lobbyistes financiers qui arrosent nombre de députés peu scrupuleux ! Bien sûr que la souveraineté de chaque nation européenne est préservée ! L’Europe a pour but principal la solidarité entre les peuples ! Faisons confiance à notre grand Macron car penser Europe c’est « penser printemps » ! Et là, une crise inédite majeure survient… et nous nous rendons compte que tout ceci ne relève que de l’incantation magique. N’en déplaise aux Cohn-Bendit, Ferry et autre Baverez, ces considérations revêtent autant de certitudes que toutes les spéculations les plus folles sur la création du monde. 
     La situation devient difficile et même dramatique pour l’Italie et chaque pays reste dans son couloir, intrigue de la manière la plus vile afin de préserver ses propres intérêts au détriment des peuples soi-disant « amis ». Si l’on évoque de nouveau l’épisode des « batailles sur le tarmac », dans un contexte purement européen, la France n’est pas en reste, comme le prouvent des masques cette-fois ci saisis par notre belle patrie des Droits de l’Homme à d’autre pays comme l’Espagne ou l’Italie[38]. Ce qui a même été à l’origine d’un début d’incident diplomatique avec la Suède[39]. Et cette même Italie contrainte de réclamer de l’aide à la Chine, de Cuba et du Vénézuela[40]… la politique européenne serait-elle tout simplement inopérante ou totalement inutile en cas de crise ? Et l’Allemagne qui multiplie les signes de mauvaise volonté en mettant son veto,  fin mars, sur les mesures financières qui pourraient soulager l’Italie en refusant la mutualisation des dettes avec des « coronabonds »[41] ; dans une telle situation cela devient criminel. Et après nombre d’atermoiements, Merkel qui consent, mi-avril, à faire un geste en annonçant « une contribution beaucoup plus importante » au budget européen[42]… et il faudrait alors les applaudir et les canoniser, tous les européistes peuvent sabrer le champagne et chanter l’unité… avant que la justice allemande ne tente de remettre en question l’aide financière de la BCE quelques jours plus tard[43]… Solidarité à géométrie variable, qui dépend de l’heure ou de la saison ?   Et que dire du dirigeant du Conseil Médical Européen Mauro Ferrari qui a tout simplement « jeté l’éponge » en dénonçant des obstacles au sein même du CER et déclare : « (…) j’ai perdu foi dans le système lui-même »[44].
    L’idée de solidarité entre les nations est morte avec la crise et le risque de désunion européenne est grand. Il s’agirait donc de reprendre à zéro justement en fixant les priorités : parle-t-on d’une coopération entre nations ou du simple établissement d’un marché commun ? Va-t-on changer totalement d’orientation ? Si nos dirigeants actuels restent à la manœuvre cela semble compromis ; quelques indices : en pleine pandémie, faire appel à « Black Rock »comme conseiller climat, il faut oser[45]… et mettre en place un nouvel accord de libre échange avec le Mexique… on atteint des sommets[46] ! Tout cela semble irrécupérable.

« La mondialisation heureuse » 

    Au carrefour des considérations idéologiques, politiques, économiques et écologiques on trouve cette belle idée de « la mondialisation heureuse ». De ces fabuleux échanges internationaux qui sont à l’origine de l’amélioration des conditions de vie dans tous les pays du monde. La promesse pour un Mark Zuckerberg ou un Bill Gates d’apporter les plus grandes innovations dans les coins les plus reculés de la planète… Mais à quel prix ? Veulent-ils seulement réellement aider ces pays de manière désintéressée ou simplement en faire un nouveau terrain de jeu, un marché lucratif à exploiter par tous les moyens ? Malgré toutes les belles déclarations le doute est permis. D’ailleurs, comme nous l’avons vu dans la première partie, la logique qui prévaut en général a été largement mise à mal avec la gestion sanitaire et les pays du « nord » ne semblent plus si « développés » que cela. Quelles leçons vont bien pouvoir donner ces pays après avoir démontré une incompétence criminelle ?

    Oui, la concurrence, les échanges internationaux, le partage des connaissances ont permis un certain nombre d’avancées. Le domaine médical ou la réduction de la faim dans le monde sont les arguments les plus utilisés par les thuriféraires de cette mondialisation libérale heureuse. Cependant, il s’agirait d’évaluer si certains ne bénéficient pas plus que les autres de tous ces progrès. Existe-il un seul modèle viable ? Compte tenu des différences culturelles, des caractéristiques spécifiques des environnements sur le globe, est-il sain de fixer un seul horizon qui rende impossible l’adaptation à certaines particularités ? Notre bien-aimé directeur du MEDEF qui demande un moratoire sur les mesures environnementales ; je serais plus tenté par un moratoire sur la mondialisation… Je considère que nous avons atteint un pic, dès lors s’acharner sur cette voie de la globalisation irréfléchie permet bien de garder sous assistance respiratoire notre système économique mondiale pour l’empêcher de mourir de sa mort naturelle en choisissant au contraire de donner l’injection létale évitable à nos écosystèmes vitaux. C’est l’éternel choix du court terme contre le long terme, le fameux « jusqu’ici tout va bien » cher au monde de l’entreprise. Il est par exemple paradoxal de justifier une nécessaire augmentation des échanges internationaux pour des considérations d’amélioration de la nutrition des populations alors que le résultat a été la fragilisation de la capacité de chaque nation ou région du globe à subvenir à ses besoins alimentaires élémentaires. C’est la question centrale de l’autosuffisance qui semble frapper bien tardivement l’esprit de nos si brillants dirigeants. La logique est pourtant enfantine : maximiser les profits par  la spécialisation et l’agriculture intensive en monoculture transforme certaines nations en vastes champs de blé ou de soja ; parallèlement cela fait disparaître les autres cultures indispensables qui sont alors développées suivant la même logique productiviste sur d’autres territoires. Tout ce dispositif repose pourtant sur un postulat tout à fait inconséquent et justement démenti en ce moment : les échanges internationaux agissent comme un mouvement perpétuel, ils ne s’arrêteront jamais… Pourtant les catastrophes naturelles se font de plus en plus fréquentes et menaçantes pour les infrastructures de plus en plus vétustes,  les ruptures énergétiques avec les attaques cybernétiques pourraient bientôt être monnaie courantes ou encore… une pandémie mondiale peut remettre en cause toutes ces certitudes. 
     On peut me classer aisément dans la catégorie des « idéalistes non pragmatiques idiots économiques ». On me rétorque souvent que l’on ne peut plus faire autrement, que la consommation est indispensable, que la croissance est obligatoire… Et bien quand j’observe avec quelle facilité les banques centrales du monde entier ont déversé depuis des mois et déversent encore plus en ce moment des milliards pour alimenter des marchés dysfonctionnels, je me demande toujours ce qui se serait passé si un gouvernement avait eu le courage d’orienter une part de tous ces flux financiers vers les domaines « non rentables »  mais durables comme la rénovation de nos infrastructures de base,  le soutien aux services publics tels que la santé et l’éducation et le développement d’une agriculture raisonnée. Et là, je ne parle pas d’ « agribashing » gratuit comme notre ministre de l’agriculture aime à le dénoncer dans les discours, mais d’une aide massive de l’Etat à tous ceux qui nous permettent de survivre en ces temps difficiles pour qu’ils puissent amorcer sereinement et rapidement le virage vers une agriculture sans pesticides et pour aider à la mise en place d’initiatives en permaculture, en agroécologie, agroforesterie… Mais pour cela il aurait fallu des gouvernants visionnaires ; or, le nôtre a tendance à plutôt voir la vie à travers des lunettes de réalité virtuelle et la « Start up  nation » ne voit notre salut qu’à travers le tout numérique… 
      
« L’obligatoire métropolisation du monde ».

    Depuis plusieurs années, des sirènes  nous chantent  le mythe des « smart cities », des villes dites intelligentes, la possibilité de ménager pour tous des « Eden » mécaniques et technologiques où la pointe des innovations nous rendrait la vie plus facile : intelligence artificielle, algorithmes, « smatphones » multi-usages, reconnaissance faciale, paiement sans contact, objets connectés…  Il est d’ailleurs étonnant de voir cette fascination que l’on peut avoir pour « l’intelligence » que l’on prête à des objets inanimés… Décidément, l’être humain aimera toujours les contes pour enfants. La logique globale est d’ailleurs battue totalement en brèche par la pandémie actuelle. Cet Eden est plutôt un enfer et le passage du Styx coûte bien plus qu’une pièce. Les problèmes de pollution, l’absence de verdure pour supporter les grandes chaleurs, la débauche énergétique et surtout la saturation des espaces… sont autant de tributs à payer. La meilleure preuve actuellement reste cette polémique concernant les parisiens fuyant vers la campagne pour trouver de l’espace, pour pouvoir respirer. Au delà de la recherche du simple confort de vie, on peut aller plus loin en disant que cela peut s’apparenter aussi à un réflexe de survie. En effet, pour l’instant, le stade de la pénurie alimentaire n’est pas atteint mais si la situation venait à se tendre encore, ce que je n’espère vraiment pas, on se rendrait compte que, jusqu’à preuve du contraire, on ne peut pas se nourrir de béton, de batteries et de composants électroniques ; nous avons besoin de terres de cultures vivrières dans les périphéries et campagnes… Avec cette pandémie, la « smart city » correspond à une forme d’intelligence paradoxalement déconnectée et les zones périurbaines ont toutes les caractéristiques du bon sens paysan. On peut rétorquer que la crise est un état seulement ponctuel, que rien n’empêche de retourner dans les anciennes habitudes… jusqu’à la prochaine. Cependant, je pense au contraire qu’il est justement temps de trouver un état constant qui permette d’amortir d’éventuelles catastrophes à venir. N’est ce pas le sens de la résilience ? Une capacité à encaisser le choc en étant le moins destabilisé possible, et cela passe par une désaturation des espaces urbains. Bien sûr nous ne pouvons pas demander une remise en cause brutale de toutes les certitudes qui nous conditionnent depuis des décennies, mais une prise de conscience des erreurs de jugement  majeures serait un bon début. 

    Le tableau général et son cadre global sont bien posés sur le chevalet, les éclats du temps ont fissuré la toile. La négligence des responsables qui jouissent pourtant de sa beauté déclinante va-t-elle conduire à la perte de l’ouvrage ? Connaitrons-nous dans tous les domaines évoqués une ère de rénovation ou d’extinction ? Espérons que nous fassions collectivement les bons choix, et si quelques uns veulent empêcher le processus pour protéger leurs intérêts particuliers, justice devrait être rendue…

P.M.


Pourquoi je ne voterai pas à l’élection présidentielle de 2022

Dimanche 10 avril 2022 je ne serai pas en déplacement, j’aurai la capacité de me rendre au bureau de vote, je ne me désintéresse pas du tout...