lundi 6 juillet 2020

Quand le gouvernement continue d’organiser méthodiquement et insidieusement la faillite de l’Etat dans ses missions de service public.

     Ce processus de « mise en faillite » avec  ses possibles conséquences est déjà mis à jour pour la sécurité sociale et le système des retraites ; j’y ai déjà fait référence dans deux textes écrits précédemment[1]. Il semble pourtant nécessaire de développer un peu plus l’explication car le fait que cela s’étende à toute la sphère publique rend la chose encore plus alarmante, que ce soit dans l’Education (du niveau primaire au niveau universitaire), la Santé (de la sécurité sociale aux hôpitaux publics) ou la Sécurité (police et assurance chômage…). 
    On peut identifier 3 étapes récurrentes dans ce schéma de faillite généralisée.

Première étape : la « stratégie du pourrissement » ou comment faire sombrer un à un les services publics.

   Très simple à mettre en place, elle repose sur l’inaction ; comme d’habitude, le seul effort est rhétorique et consiste à « faire croire » en de réelles avancées par un art consommé de la manipulation d’informations. « Inaction » car il s’agit de ne faire aucune concession significative à un quelconque mouvement de contestation émanant d’un secteur ou l’autre du service public, tout en faisant mine d’accorder de grandes avancées. Plusieurs exemples peuvent être relevés : tout d’abord avec la police, lors de la gronde de 2018, en pleine période des Gilets Jaunes, le gouvernement ose parler de « mesure d’apaisement » avec le paiement des heures supplémentaires[2]… C’est comme répondre à une demande de moyens ou d’amélioration des conditions de travail en assurant qu’on va payer le salaire dû… Même procédé pour calmer la gronde des enseignants : Blanquer qui annonce une revalorisation des salaires des enseignants en aôut 2019 alors que la mesure était prévue lors du quinquennat précédent mais avait été gelée pour un an par le nouveau président[3]… en clair je vous gèle vos salaires de manière injuste mais maintenant je vous fais la grâce de revenir à une situation « normale » (même pas au niveau de l’inflation donc, qui se solde tout de même par une perte de pouvoir d’achat), il faut donc vous calmer et même dire merci ! Et que dire de l’annonce en grandes pompes du déblocage de 6 milliards pour tranquilliser les soignants en sortie de confinement alors qu’il s’agit de partager cette somme entre hôpitaux, EPHAD publics et, en partie, le secteur privé comme le rappelle le Parisien[4] alors que la Fédération hospitalière de France a estimé la demande à 5,5 milliards pour le seul secteur public[5]… donc je me moque de vous mais comme la somme dans l’absolu est importante il ne faudrait pas trop vous plaindre… Mépris, irrespect, insulte à l’intelligence des principaux intéressés, c’est tout cela à la fois mais peu importe la justice car la cible de ces mesures n’est pas la minorité revendicatrice mais la masse des observateurs constituant l’opinion publique. Masse des observateurs, pour le cas de l’hôpital public, qui s’est donné bonne conscience en applaudissant tous les soirs sans pour autant bouger un petit doigt au moment des manifestations post-confinements… C’est assez subtil dans la forme car avec des effets d’annonce savamment distillés, quelqu’un qui ne s’intéresse pas de près à la question peut avoir l’impression qu’un effort conséquent est fait alors que la racine du problème est le manque de moyens déjà criant, la fermeture de services, la détérioration des conditions de travail… Tout cela est bien mis sous le tapis et les décideurs laissent bien « pourrir » la situation. 
      Le facteur le plus important est bien le facteur temps. Il s’agit toujours de gagner ce temps précieux synonyme d’oubli, de lassitude, de négation du caractère urgent. Jusqu’ici tout va bien, si cela tient c’est qu’il n’y avait pas besoin de se presser sauf que le point de non retour est peut-être déjà atteint. On paiera les heures supplémentaires des policiers mais « selon un calendrier qu’il restera à définir », les enseignants sont toujours mécontents, Blanquer lance une « grande consultation »[6], les soignants ont dépassé le stade de la crise de nerfs, organisons un « Ségur de la santé » qui vire déjà à la farce gouvernementale[7]. La technique est éprouvée, le résultat toujours insignifiant mais… ça continue. 
    Plus directement, on a pu observer ces derniers temps, les efforts considérables déployés par notre gouvernement pour organiser le désengagement de l’Etat dans ces fonctions régaliennes. Vous pensiez que Castaner avait touché le fond ? Et bien il a trouvé une nouvelle trappe pour descendre encore. Après le fameux « soupçon avéré »[8], il invente en plein déconfinement, en totale contradiction avec les soi-disant objectifs de santé publique, les « manifestations interdites mais tolérées »[9]… Non, non ce n’est pas un numéro de clown du cirque Pinder, on parle bien du ministre de l’intérieur qui explique que « parfois l’émotion dépasse les règles juridiques »[10]. Bien sûr on peut et on doit toujours critiquer l’arbitraire de certaines décisions gouvernementales mais là on parle de simple cohérence, de clarté, de justice. Comment expliquer qu’on a accueilli les manifestations des Gilets Jaunes par des coups de LBD et des grenades de désencerclement ? Et suite à ces déclarations, comment prendre au sérieux l’interdiction de n’importe quelle autre manifestation ? 
Encore plus inquiétant, l’épisode surréaliste des règlements de comptes entre communauté tchétchène et communauté arabe à Dijon, on atteint des sommets. Trois jours de violence avant que les pouvoirs publics n’interviennent directement selon les riverains, et pourtant, Laurent Nuñez se défend de tout laxisme : "Les forces de l’ordre ont été présentes tout au long de cette séquence et elles vont le rester"[11] alors qu’un policier explique dans un témoignage anonyme : « on a fait ce qu’on a pu »[12]. Ou encore un autre témoignage de deux jeunes présentes au moment des faits qui ont demandé aux forces de l’ordre d’intervenir et ont reçu pour seule réponse : « Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse, ils sont trop nombreux ! »[13]. Encore plus étonnant, des représentants de la communauté tchétchène qui expliquent qu’ils sont intervenus parce que la police n’a pas les moyens d’agir dans certains quartiers[14]… Et si on pouvait encore avoir un doute concernant la sécession de l’Etat français laïc, il suffit de voir comment s’est réglé le conflit dans … une mosquée[15]
Les manifestations pour Adama Traoré ont été aussi riches en enseignements, surtout la sortie médiatique de Linda Kebbad, porte parole d’un des principaux syndicats de Police qui avance très sereinement à la télévision : « Dans l’absolu, face à 23 000 personnes, soyons honnêtes, qu’est-ce qu’on peut faire ? »[16]. Donc si je comprends bien, 23 000 personnes dans une manifestation sauvage dans les rues de Paris avec une minorité d’individus décidés à en découdre, l’Etat ne peut rien faire, c’est à dire que potentiellement, dans une telle situation,  il est totalement impuissant. Théorie intéressante pour des groupes qui voudraient trouver une manière efficace de se faire entendre par le gouvernement pour des considérations de justice sociale…
Enfin le ministre de l’éducation qui craint de se faire distancer par son éminent collègue dans la course au titre de ministre le plus niais de la cinquième république nous invente le concept de « l’école obligatoire sans sanction pour les parents qui ne remettent pas leurs enfants à l’école »[17]. Les mots ont pourtant un sens et nous avons là deux exemples de gouvernants qui organisent la faillite de l’Etat dans une de ses missions. Personnellement  C’est pour cela qu’il est parfaitement insupportable d’entendre ces individus indignes de leur fonction déclarer, dès qu’il y a des débordements lors des contestations qui visent directement ce gouvernement, que les manifestants attaquent l’Etat, attaquent notre République. Réveillez-vous ! Les manifestants s’en prennent à votre gouvernement pas aux fondements de l’Etat français ! Vous êtes les seuls responsables de la faillite de l’Etat. Nos gouvernants sont bien les meilleurs représentants de la caste des faux serviteurs de notre Etat qui mènent à bien ce travail de sape. Un terrassement lent, entamé il y a plusieurs décennies, à la manière des prisonniers creusant une galerie avec une cuillère à café pour ne pas alerter la surveillance du peuple. Pierre par pierre, ce sont les fondations du service public qui sont fragilisées. Actuellement le gouvernement est passé directement au marteau piqueur, pourtant, l’alerte ne semble pas retentir dans l’esprit de nos concitoyens… Pourquoi ?
          
Deuxième étape : un traitement de l’information biaisé ou comment les grands médias et « experts » orientent l’opinion publique en se faisant les relais du discours gouvernemental tout en cultivant l’art du détournement d’attention.

      Il s’agit tout d’abord de bien distinguer les deux tableaux sur lesquels joue le gouvernement. En premier celui de la passivité qui devient de plus en plus la règle, comme évoqué dans la partie précédente, dans la fonction de service public. En second celui de l’action incessante avec un Etat qui s’érige en catalyseur pour le domaine économique et financier. « L’argent magique » coule à flots mais le flux est surtout orienté vers les grands groupes qui n’ont aucun problème à engager pourtant des plans de licenciement massifs. Ce à quoi répondent le grand ministre de l’économie, la ministre du travail et leurs collaborateurs par des indignations de circonstance ;  et cela ne date pas d’hier : en 2018 Lemaire se disait « révolté, écoeuré » et parle de trahison du groupe Ford[18] ; et plus récemment le même Lemaire qui dénonce la stratégie du « chantage » du groupe Ryanair[19]. Rappelons toutefois que c’est bien ce même gouvernement qui a organisé l’impuissance de l’Etat à imposer de la retenue à ces entreprises en attaquant brutalement le code du travail dès 2017 pour soi-disant lutter contre le chômage… encore une belle réussite ! Et c’est toujours frappant de voir les propos inutiles de ces ministres relayés sans critique par les journalistes ; je n’ai pas le souvenir d’un seul professionnel des médias ayant rappelé cette contradiction majeure aux principaux intéressés. 
     C’est de cette distinction entre inaction de l’Etat dans le domaine public et action incessante en soutien au secteur privé  que nait toute l’ambiguïté du discours médiatique dominant, largement libéral, qui avance  que, contrairement à ce que disent  les esprits chagrins défenseurs de l’Etat providence, l’Etat est intervenu largement. En la matière, un exemple parmi d’autres, Eric Brunet et Laurent Neumann sur BFM TV font régulièrement de la « retape » pour le gouvernement et offrent une tribune de choix à Agnès Pannier-Runacher dans leurs émissions[20] ; ils semblent plus proches du rôle de porte-parole du gouvernement que de celui de journalistes indépendants… Evoquons aussi les griefs entretenus par nos grands chevaliers blancs de l’information contre les enseignants : Pascal Praud expliquant que « les profs ne vont pas aider Emmanuel Macron » ; « il y aura toujours une bonne raison de ne pas rentrer »[21] ; au moins lui ne cache pas de quel côté il penche… ou encore France inter et Guillaume Meurice qui relaie plein d’humour les propos d’un ministre : « si les salariés de la grande distribution avaient été aussi courageux que l’Education Nationale, les Français n’auraient rien eu à manger » et que dire du choix des intervenants dans cette chronique[22]… on finit par se demander s’il fait de l’ironie ou s’il ne partagerait pas une partie de cette vision des choses, en tout cas aucun doute sur le message reçu par les auditeurs… 
        « Les experts » ne sont pas non plus en reste. Je ne parviens pas à m’expliquer le nombre de politiques d’opposition, d’économistes, de syndicalistes, de responsables de la fonction publique, de philosophes, d’universitaires en tous genres qui se font « balader » depuis trois ans, qui sont capables de se nourrir seulement de mots… Tous ces intellectuels et parfois ces hommes et femmes de terrains qui ont moins de bons sens que le premier chien venu. Prenons l’exemple simple d’un canidé qui reçoit un coup de bâton ; après un tel épisode, il se méfie naturellement; la plupart du temps il ne s’approchera plus et deviendra craintif dès lors qu’il identifiera l’arme du crime entre les mains d’un potentiel agresseur ; il se préparera même à mordre au plus vite pour défendre son intégrité physique. A l’inverse, on ne compte plus le nombre de nos soit disant « guides de la bonne pensée » qui se prennent des bastonnades symboliques à coup de mesures gouvernementales injustes, de promesses non tenues, de délires rhétoriques insensés et qui, malgré tout, continuent à revenir la queue entre les jambes avec des formules sans cesse répétées : « il semblerait que cela aille dans le bon sens » ; « nous avons eu le sentiment d’être entendus » ou encore « nous espérons bien que les paroles seront concrétisées en actes », pas question de préserver son intégrité morale ici. Et cela dure depuis maintenant plus de trois ans… La dynamique expliquant cet éternel recommencement est un mystère pour moi… Peur de perdre du crédit auprès des dirigeants ? Crainte pour leur carrière ? Manque de courage ? Réelle crédulité ? Je suis bien incapable de trancher.
       Ajoutons à cela une mécanique informationnelle bien huilée qui rend impossibles de réels débats contradictoires. En effet, l’essence des chaînes d’information en continu, malgré tout très prisées d’une grande partie de la population, est l’enchaînement des sujets et la répétition des mêmes informations plusieurs fois par jour. Une sorte de kaléidoscope informationnel qui a pour conséquence une crise d’épilepsie intellectuelle généralisée. Bien sûr pendant ce matraquage continuel on glisse tout de même quelques voix dissonantes afin de se prémunir contre le procès en partialité ; mais rien de plus qu’un bégaiement de l’idéologie dominante dont l’impact est d’autant plus important que la fluidité de l’information orientée est retrouvée rapidement. En somme, à la notion de « vente de temps de cerveau humain disponible » chère à Patrick Le Lay s’ajoute de nos jours celle de « destruction de la disponibilité du cerveau humain à la critique » ; système de conditionnement des esprits redoutable qui permet de mener à son terme la logique gouvernementale.   

Troisième étape : une nouvelle déclinaison du « there is no alternative » (il n’y pas d’autre alternative) « thatchérien » ou comment la privatisation est présentée comme la seule solution viable à un problème qui n’aurait jamais dû se poser.

    Je rappellerai pour commencer ce que j’identifie comme les trois manières principales  de faire passer de nouvelles lois. 
    Premièrement l’imposer ; et c’est assez facile dans notre 5ème République associant pouvoir de l’exécutif (décrets et ordonnances présidentiels, 49 :3 du gouvernement) et majorité à l’assemblée ; assemblée qui ne joue d’ailleurs plus du tout son rôle de représentation de nos concitoyens. Cependant ce n’est pas l’option principalement choisie par le gouvernement Macron car potentiellement dangereux en terme de réaction populaire. On a bien noté les ordonnances de début de mandat pour faire passer la réforme du code du travail mais ensuite Philippe a attendu la réforme des retraites pour se risquer au 49 :3 juste avant le confinement…  
      Deuxièmement, demander l’avis directement à la population par l’intermédiaire d’un referendum ; référendum qu’il est très facile de contrecarrer pour un exécutif en mettant en place un quorum inatteignable et en réduisant  la portée des questions. Option encore plus vite écartée par le gouvernement en place si l’on se remémore la crispation occasionnée pour l’exécutif à l’évocation du RIC (Referendum d’Initiative Populaire) ou les critiques et le sabotage communicationnel gouvernemental du référendum sur ADP.   
     Troisièmement, en jouant sur le double langage, sur la propagande idéologique répandue sans critique réelle et sans aucun scrupule par les médias traditionnels pour fabriquer du consentement avec ce que l’on pourrait appeler une forme politique et sociale du « coup de pouce » de Richard Thaler (« nudge » en anglais). A mon sens c’est le choix plébiscité par toute l’équipe macronienne. Concept qui a largement dépassé le cadre de l’économie comportementale pour coloniser l’ensemble des politiques publiques des économies développées d’inspiration libérale. L’idée est de créer des incitations positives pour donner l’impression que la décision individuelle prise n’est pas contrainte. On se réfère ici à un certain nombre de biais cognitifs, des modes de décision qui, en dehors de toute analyse rationnelle, se base sur des réactions qui relèvent plus de l’émotion ou du raisonnement automatisé. Je prendrais ici l’exemple du biais de conformité qui pousse un individu à choisir une option qui sera peut être irrationnelle mais semblera la plus pertinente car reconnue comme la décision prise par la majorité des gens ; ce biais repose ainsi sur la peur de l’exclusion. L’exemple de l’application Stopcovid est particulièrement parlant pour illustrer « ce coup de pouce ». Tout repose ici sur le postulat qu’un citoyen ayant l’impression que cette application est plébiscitée par la majorité des français va plus volontiers la télécharger. Il s’agit de créer un effet d’entrainement même si on peut nourrir quelques doutes sur la pertinence des informations officielles. Le 3 juin  de nombreux journaux présentent Stopcovid de manière élogieuse : RTL : « Stopcovid est l’application la plus téléchargée en France sur Iphone et Androîde »[23] , même son de cloche sur BFMTV[24], Ouest France parle « d’application la plus téléchargée ce mercredi matin »[25], selon le Parisien : « L’application Stopcovid déjà téléchargée plus de 600 000 fois. ». La seule référence pour ces articles : les chiffres de Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique… les journalistes devraient tout de même faire preuve de prudence en relayant des informations d’un des membres d’un gouvernement rompu aux mensonges et aux fausses informations dans tous les domaines. Reconnaissons un certain mérite au journal Le Parisien qui pose la question « Sera-t-elle vraiment utilisée ? ». Belle intuition car dès le 11 juin Europe 1 titrait : «StopCovid un « fiasco » prévisible »[26] et enfin  la nouvelle se répand à partir du 22 juin : « Un ratage spectaculaire »[27] selon La Tribune, « 14 notifications en 3 semaines, le fiasco de l’application StopCovid » selon La Dépêche ou encore plus simplement : « StopCovid : le fiasco de l’application » selon France TV info[28]. Et là étonnamment Cédric O ne se manifeste plus… une belle tentative infructueuse de « coup de pouce ». On avait d’ailleurs observé le même procédé lors de la restitution mensongère des chiffres du grand débat dans les grands médias. C’est cela qui est insupportable avec ce gouvernement, il confond incitation positive avec opération de communication mensongère. Et malheureusement c’est le cœur de toute leur action politique. 
   Celle-ci vise quasiment exclusivement à faire apparaître comme nécessaire voir indispensable la privatisation du secteur public. Je dirais qu’ils ont fait évoluer le concept du « coup de pouce » vers celui du « coup de pompe », remplaçant  « l’incitation positive » par une « incitation négative »,  mais toujours dans le même but : faire croire que le moins coûteux, le plus raisonnable serait de passer au privé. Il ne s’agit pas d’imposer de manière ferme et directe la privatisation comme l’aurait fait un Fillon mais de la rendre artificiellement  nécessaire par tous les moyens ; de faire en sorte que cela soit la seule alternative en espérant que les français soient trop aveuglés par leur situation personnelle et ne se rendent pas compte de la manœuvre. Autre superbe exemple de cette incitation : la fermeture de certains services d’urgence et la diminution de leurs moyens ; cela fait polémique depuis plusieurs années et on présente la situation comme un recours trop important à ces dispositifs publics, or, dans le 20h de TF1 du 15 juin 2019 on nous explique très directement que « Pour résoudre le problème de l'engorgement dans les hôpitaux publics, des solutions sont possibles. Parmi elles, on retrouve le fait d'inciter davantage les patients à se tourner vers le privé et les cliniques », difficile de faire plus clair. 
    Comment faire en sorte qu’un service public apparaisse comme couteux ? Rien de plus simple : augmentation des déficits par décision gouvernemental (baisse de la CSG par exemple), gel des moyens et fermetures de services qui à terme engendrent la détérioration du service dans son ensemble, mise en avant  avec la complicité de médias amis des fraudes en tout genre même si elles sont le fait uniquement d’une minorité (fraude à la sécurité sociale de la part des usagers, de la part des professionnels), matraquage sur l’idée de statut de privilégié qui coûte à la société, même à propos de professionnels qui sont parmi les moins bien rémunérés en Europe (enseignants par exemple), et le clou du spectacle après avoir poussé à bout les professionnels qui n’ont d’autre solution que de se mettre en grève ou manifester, en « remettre une couche » sur les embêtement occasionnés pour les honnêtes travailleurs qui eux ne rechignent pas à la tâche. A ce sujet j’ai encore en tête les propos intolérables d’Yves Calvi sur la 5 à propos du personnel hospitalier : « la pleurniche permanente hospitalière fait que l’on est en permanence au chevet de notre hôpital… »[29]. Cela se passe de commentaire et heureusement que plus personne n’oserait ce genre de propos depuis la crise Covid19…
     Une fois tous ces jalons posés, il suffit de laisser les partisans zélés de la privatisation faire leur travail d’endoctrinement sur les plateaux de télévision des BFMTV, Cnews, LCI, TF1, France 2… ou dans les journaux comme Le Point, le Figaro, Les Echos,, Challenges… Pas besoin de chercher beaucoup, depuis plusieurs années on vante par exemple le partenariat Public-Privé directement importé de Grande Bretagne. Des montages financiers risqués qui peuvent avoir des « conséquences désastreuses sur les finances publiques et sur le service public en lui-même » comme l’explique un article de l’Obs qui reprend l’exemple catastrophique de l’Hôpital d’Evry[30]. En effet c’est une ouverture majeure pour les grands groupes tels Vinci ou Bouygues pour phagocyter les marchés sous prétexte de réalisation de projet de grande envergure. Le désastre de la gestion des autoroutes est un autre bon exemple et peu importe si le Royaume-Uni constate lui-même l’ampleur de la catastrophe comme le rappelle Cécilia Gondard une employée d’Eurodad dans son blog[31]. J’invite d’ailleurs tout le monde à consulter un rapport d’Eurodad datant d’octobre 2018 au titre évocateur : «L’Histoire se réPPPète. Comment les partenariats public-privé échouent-ils. »[32] . Et même la Cour des comptes européenne en mars 2018 jugeait « inefficients et inefficaces » les PPP[33] avec mention spéciale pour la France en la matière…  Pourtant, peu de critiques en la matière dans « nos grands médias de référence nationaux » : dès 2017 France inter parlait de « Partenariats-Public privé : l’irrésistible inflation », sans un mots sur les effets pervers[34]. Le domaine de la sécurité et du maintien de l’ordre n’est pas en reste, ainsi, dans l’émission Soir Info de Thomas Hugues du 16/06/2020 (18min 42s)[35] , prenant le prétexte des règlements de comptes à Dijon, George Fenech déclare : « Il y a, il faut le dire tout le secteur privé de la sécurité qui monte en puissance » et qui parle de décharger la police nationale des transferts de détenus, de garde statiques de certains lieux… » Et Thomas Hugues de reprendre méprisant : « J’entends déjà les cris d’orfraie de ceux qui vont crier à la privatisation de notre sécurité, du domaine régalien » et tranquillement Fenech de reprendre : « Je vous assure c’est le sens de l’histoire… »  et il parle ensuite de la rédaction du livre blanc par le ministère de l’intérieur qui s’attelle à traiter cette question… Au moins on comprend mieux pourquoi le gouvernement laisse dépérir les services de Police pour ensuite proposer une solution clé en main avec les services de sécurité privés qui se préparent déjà à investir ce nouveau marché créé de toutes pièces. En somme, c’est le sens d’une histoire que certains écrivent seuls dans leur ministère. Et notre cher Blanquer qui annonce dans Challenges, pas longtemps après sa prise de fonction, qu’il compte d’inspirer directement du secteur privé[36], ensuite, et c’est là mon analyse personnelle, pas besoin de révolution des consciences, les esprits auront été bien conditionnés et il suffira d’ouvrir cet enseignement aux nouveaux acteurs privés… une digue est simplement en train d’être détruite à bas bruit.     
      Pour ceux qui douteraient encore de la pertinence de cette analyse, qui penseraient que les raisonnements énoncés ont autant de crédibilité que la moralité politique d’un François Bayrou, voilà quelques indices de l’accélération actuelle qui poussent à réfléchir.
      Dans le secteur de la Santé, nous sommes passés à deux doigts d’observer une « première » sous ce quinquennat : le passage au secteur privé d’un hôpital public (à Longué-Jumelles) comme l’annonçait le Monde en octobre 2019[37]. Heureusement le gouvernement n’a pas donné suite ; décision prise comme le rappelait Christian Gillet, Président LR du département lui très favorable, juste avant « une grande manifestation du personnel hospitalier le 14 novembre »[38]. La gronde a donc du bon et la vigilance populaire doit être soutenue contre toutes ces attaques en règles.
       Pour ce qui est du secteur de l’Education, non content de laisser se détériorer les conditions de travail des enseignants en réduisant au strict minimum les moyens, en généralisant l’emploi des contractuels, en attaquant les retraites… le gouvernement prend même la liberté de rediriger une partie des dotations publiques déjà rares vers le secteur privé. C’est le cas avec cette loi sur l’école obligatoire à 3 ans qui conditionne donc la participation nouvelle des communes aux frais de scolarité des écoles privées alors que 97,3% des enfants de plus de 3 ans allaient déjà à l’école maternelle. Libération parle très justement de « cadeau discret de Macron au privé »[39], tout est dit. Aussi au niveau de l’enseignement supérieur, il est intéressant de lire les déclarations de Martine Depas (conseillère en fusions et acquisitions dans le secteur de l’enseignement pour certains fonds d’investissement)  interrogée par Cécile Peltier en mars 2018 : « l’enseignement supérieur est un marché comme les autres », elle se félicite que l’enseignement supérieur privé représente 18% des étudiants contre 10% il y a une décennie, c’est un marché dynamique… »[40]. Bruno Magliulo explique très bien sur le site Educavox  « le « boom » du privé dans l’enseignement supérieur français »[41] et les mécanismes en jeu avec, cette réputation d’offrir une formation en phase avec les attentes des employeurs et cette forme de chantage à la précarité qui conduit les familles à mieux accepter de payer pour les études si celles-ci conditionnent plus facilement l’obtention d’un emploi. Je ne devrais pas m’étonner alors des partenariats noués par cette école « d’excellence française » qu’est Science Po avec un grand nombre d’entreprises. La liste est longue et belle  et consultable sur le site de l’école pour les dons de 2019[42], petit florilège non exhaustif  mais évocateur : d’abord pour les soutiens inférieurs à 50 000 euros, ACCENTUR, Bouygues Telecom, Coca Cola, Facebook, Havas, Kering, Lazard, Orange, Publicis, SANOFI, TF1… et pour ceux supérieurs à 100 000 euros : AXA, BNP paribas, Carrefour, Chanel, France Television Groupe, Hermès, HSBC, Rothschild and co, Société Générale et enfin Total… Que du beau monde ! Le plus pur exemple de mélange des genres entre public et privé. J’ai choisi cette école en particulier car elle a vu passer en ses rangs nombre de serviteurs de l’Etat donc assurément de grands défenseurs du service public… Le cas de Total est particulièrement intéressant, le partenariat est noué depuis 2011[43] et un collectif d’étudiants de l’école (Sciences Po Zéro Fossiles) a voulu qu’il soit remis en cause en 2018 et expliquait que « l’influence de la société pétrolière et gazière se manifeste dans le contenu des cours, le choix des intervenants et dans les offres de stage ou d’emploi »[44], étonnant ça !
    Enfin pour le secteur de la Sécurité, quel bonheur de savoir qu’un certain Alexandre Benalla est en train de remettre un pied en France grâce à ses réseaux politiques comme le révèle Mediapart[45]. Lui qui était en train de développer son entreprise de sécurité privée COMYA créée en 2018, ne se cantonnait qu’à l’étranger suite à la décision de la CFDP (Commission de Déontologie du Service Public) d’une interdiction d’entretenir toute relation professionnelle avec des services publics de sécurité français ou avec des autorités publiques étrangères. Et bien nous sommes heureux de savoir que cette interdiction sera levée le 1 août 2021. Je suis rassuré qu’un tel personnage puisse œuvrer dans le domaine de la reconnaissance faciale et des «villes intelligentes »,  la farce continue…

    Mais d’aucuns avanceront tout de même que ce transfert généralisé du public vers  le privé à la manière des économies anglo-saxonnes serait bénéfique. On pourrait avoir quelques doutes si l’expérience passée ne nous servait pas de leçon. Hausse de la précarité, explosion des inégalités, impossibilité de se soigner pour  les personnes n’ayant pas un revenu suffisant dans un contexte de crise économique grave, les EU qui font face à l’augmentation de la bulle de la dette des étudiants reconnue comme un risque économique important, l’Angleterre qui renationalise une partie de son réseau ferroviaire, fiasco sur le territoire français avec la gestion des autoroutes ou la privatisation de l’aéroport de Toulouse, totale ineptie de la privatisation d’aéroport de Paris… Encore des doutes ? Mais alors comment mettre un coup d’arrêt à cette aberration ?

Une réponse possible

   Tout d’abord elle passe par une compréhension claire des enjeux. Il semblerait que la « saturation informationnelle » empêche la plupart des citoyens de faire un travail de projection pourtant simple en imaginant leur situation individuelle et collective dans une société privée d’une sécurité sociale digne de ce nom. Malheureusement, il sera bientôt trop tard pour réagir… qu’attend la majorité des citoyens français ? Se trouver dans la situation où ils ne pourraient plus soigner leurs enfants faute de moyens ? Si les institutions privées gardent pour l’instant des tarifs proches du secteur public c’est juste le fait de l’existence justement de ce secteur public. Si le privé phagocyte le public, c’est le sens de l’économie de marché, les tarifs ne seront plus conditionnés que par la conjoncture économique et l’Etat n’aura plus son mot à dire ou justement si, il ne pourra que parler… comme pour les plans de licenciement !  C’est l’anesthésie de la conscience populaire qui menace la France. Ceux qui nous ont précédé se sont battus pour nos droits et comme ils ont rendu notre pays plus vivable qu’ailleurs nous ne mesurons même plus la valeur de ce que nous nous apprêtons à perdre, nous considérons toutes ces choses comme acquises.
       Ensuite il serait nécessaire pour tous les fonctionnaires de « se penser » comme un seul groupe et organiser des mouvements de population massifs dans les rues de Paris et de toutes les villes de France pour faire naître une réelle crainte chez nos gouvernants. Car il est vrai que les principaux complices de cette manœuvre gouvernementale sont les acteurs mêmes de ces corps de métier de l’ensemble de la fonction publique, ces professionnels qui ne se considèrent pas comme les membres d’une même entité qui pourtant les embrasse tous. Jamais n’est évoqué un mouvement général de défense du service public en mettant en avant ponctuellement un nouveau corps de métier à  chaque manifestation. Ils permettent, par leur division, largement entretenue par les médias, le démantèlement petit bout par petit bout de l’institution publique. Les soignants d’un côté, les policiers de l’autre, les enseignants un autre jour, surtout ne pas se mêler aux autres, et surtout pas aux Gilets Jaunes qui pourtant parlent du service public comme de l’une de leur principale préoccupation. Il faudrait bien une action commune qui envoie un message fort à l’exécutif, peu importe qui se trouve à la tête de l’Etat, que Macron se maintienne, qu’il démissionne, qu’il soit destitué, qu’il change le gouvernement… il faudrait tous les aider à comprendre qu’il n’y a pas de négociation possible, ils doivent arrêter de détruire le service public, fleuron de notre nation et ultime rempart protégeant tous les citoyens face à un système économique en roue libre.
      Le dernier recours malheureux, en admettant que les deux autres étapes n’aient pas porté leurs fruits, que la situation se soit détériorée toujours plus, cette possibilité que nous espérons tous éviter serait le stade de l’insurrection violente… Une masse d’individus poussés dans leurs derniers retranchements, qui n’auraient plus rien à perdre et qui se battraient simplement pour réclamer une forme de justice incontrôlée…  
   
P.M.


Pourquoi je ne voterai pas à l’élection présidentielle de 2022

Dimanche 10 avril 2022 je ne serai pas en déplacement, j’aurai la capacité de me rendre au bureau de vote, je ne me désintéresse pas du tout...