Personne ne pouvait imaginer qu’il était
possible de faire mieux que Hollande et son concept de « président
normal » ; c’est pourtant chose faite avec Macron que l’on pourra
dorénavant associer à l’image d’un « président anormal ». Plenel et
Bourdin ont largement contribué à ternir le rôle de chef de l’état à base
d’invectives, de conseils donnés et de familiarités. Il serait d’ailleurs bien
malvenu de condamner les deux journalistes pour s’en être tenus à leurs principes,
pour ne pas avoir dérogé aux règles journalistiques qu’ils se sont eux-mêmes
fixés. Ils ont parfaitement joué leur partition, il était d’ailleurs plutôt
plaisant de voir un imposteur se réveiller après son rêve jupitérien. Il est
toujours bon de rappeler qu’aucun individu ne doit pouvoir se croire supérieur
à un seul de ses pairs, quelle que soit la raison.
Il est tout de même étonnant d’apprendre
que l’Elysée a choisi les interlocuteurs et le format de l’entretien, ce
n’était donc pas un aveu d’humilité de la part du chef de l’état (en est-il
seulement capable ?) mais plutôt une stratégie médiatique savamment
orchestrée. Mais dans quel but ? Comment comprendre qu’il détruise en
quelques heures l’image jupitérienne qu’il s’est évertué à installer depuis le
début de son mandat ?
Certains
parlerons de souplesse intellectuelle, je parlerai d’inconstance ;
certains évoqueront une vision stratégique, j’évoquerai une absence de fierté,
une capacité à renier tous ses principes pour la poursuite d’un objectif
politique. Il a bien fait la démonstration que la fin justifiait tous les
moyens ; une fin toujours pas clairement établie, définie. Cet homme ne me
paraît pas digne de confiance, on peut respecter quelqu’un sans adhérer à ses
idées mais le respect se gagne honnêtement par des actes et par
l’exemplarité ; il ne se décrète pas par ordonnance, ne se gagne pas par
la manipulation d’image au nom d’une sacro sainte intelligence ou d’un idéal de
pragmatisme qui pourraient justifier les plus infâmes bassesses. A mon sens il
se sent acculé par la gronde sociale qui prend de l’ampleur chez les jeunes. La
jeunesse est l’expression, à l’échelle humaine, de l’entropie universelle, une
tendance au désordre intérieur qu’il est difficile d’endiguer et illusoire de
vouloir contrôler ou diriger. Cette offensive médiatique m’a semblé aussi
efficace que de vouloir arrêter un torrent millénaire à l’aide d’une digue de
quelques centimètres. En tentant de
séduire les nouvelles générations pour calmer l’ardeur estudiantine et en
revêtant son costume de dirigeant de « start-up » abordable il
leur a seulement prêté le flanc en justifiant des débordements futurs. De plus, n’a-t-il pas inquiété, voir effrayé,
son élite chérie dont les membres sont plus conservateurs qu’ils ne le disent
malgré toutes les mélopées servies sur
les plateaux et dans les conférences dites « progressistes » ?
Ne sont-ils pas les plus dignes représentants de cette tradition élitiste
française à l’origine de la reproduction des inégalités sociales ? « L’en-même-temps-tisme » atteint
ses limites. Heureusement, il subsiste quelques journalistes pour crier au
« coup de génie médiatique » au « combat viril » ; je
pense plutôt que l’épée de Damoclès s’est abattue sur la figure présidentielle
sans que les conséquences directes ne puissent être prédites. Il est difficile
de savoir combien de temps pourra durer la mascarade macronienne, cette
religion du nouveau qui devient, par manque de perspectives, religion du pire.
A force de louvoiements intellectuels la bipolarité réelle guette
dangereusement et la confiance des français risque de s’éroder de manière
inéluctable. Personnellement, je trouve profondément anxiogène le fait d’avoir
à la tête de l’état quelqu’un qui peut contredire dans les faits tout ce qu’il
déclare par ailleurs dans le but de servir des intérêts que lui seul connaît…
et que dire de sa qualité de spécialiste des fausses nouvelles, lui qui propose de rédiger une loi sur les
« fake news » ? (déclarations concernant la présence américaine
prolongée en Syrie ou la ZAD de Notre Dame des Landes démenties dès le
lendemain) Cynique n’est-il pas ?
Espérer camoufler une accumulation de décisions
hiérarchiques arbitraires et une autorité illégitime derrière le filtre d’un
entretien irrévérencieux c’est sous-estimer grandement la nature humaine qui ne
peut jamais se satisfaire de l’injustice réelle ressentie. Pour reprendre ce
terme « sous-estimer », il est à mon sens l’expression du drame de la
présidence Macron : quelqu’un qui n’estime que sa propre personne est
conduit fatalement à sous-estimer tout le monde…
P.M.
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