mercredi 31 janvier 2018

« Pestilentielles » conclues en mai 2017 suivies de ses élections « itératives » en juin de la même année. Où se cachent, en 2018, la majorité des désabusés des dernières mascarades électorales ? Sommes-nous réellement condamnés à subir cette politique antisociale moribonde et illégitime ?

   Comment expliquer qu’une mobilisation sociale généralisée ne soit pas encore d’actualité ? Saluons ces îlots de résistance qui fleurissent tout de même : grève des gardiens de prison, manifestations du personnel hospitalier, mobilisation imminente des enseignants, associations dénonçant le traitement inhumain des exilés, contestation de la mise en place de Parcoursup, remède bien pire que le mal,  groupes de salariés qui tentent de se faire entendre dans le privé…
Certains citoyens risquent de perdre patience sous peu, surtout parmi ceux qui connaissent une détérioration « en marche » rapide de leur qualité de vie (conditions de travail anxiogènes, taxes diverses et maquillage de la baisse du pouvoir d’achat, prévisions arrangées de certains ministres, « serrage de ceinture » immédiat avec contreparties positives seulement hypothétiques dans plusieurs années…)  et un drame ne pourra pas longtemps être évité. Nous sommes proches d’atteindre le point de non retour, de rupture totale entre l’Etat et les citoyens français. Je pense que tout le monde a compris que les dirigeants souhaitaient un désengagement majeur, pour des questions de budget, dans la plupart des secteurs relatifs au bien-être et à la sécurité de leurs concitoyens. L’Etat français nerisque-t-il pas d'être reconnu coupable de négligence et même de non assistance à personne en danger?   Je ne comprends pas pourquoi aucun opposant « sérieux » au gouvernement ne fait un appel franc à une mobilisation nationale au moment où la sauvegarde de notre système de santé, pierre angulaire du système social français, est dramatiquement menacée. Ont-ils été échaudés par la réponse timide des citoyens au moment des premières sollicitations pour lutter contre l’instauration de la loi travail ? Ne craignent-ils pas plutôt d’être tenus responsables de l’explosion sociale qui s’annonce ? Ils devraient tout de même prendre garde  car à l’heure des comptes, dans un climat que je considérerais comme déraisonné, le discernement ne sera sans doute plus de mise et s’ils ne se mettent pas en action maintenant le souffle risque de les atteindre malgré toutes leurs bonnes intentions.
    Je suis non violent mais n’accepterai jamais de tendre l’autre joue; je me suis rendu  à plusieurs rassemblements en septembre 2017 et j’ai bien vu le mouvement se désagréger au fil des semaines, quelle frustration ! C’était pourtant une belle occasion de faire reculer Jupiter et ses sous-fifres. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu, lorsque je tentais de convaincre du bien-fondé de ce genre de manifestation, les réponses affligeantes comme : « de toute façon ça ne sert à rien… », « mais c’est impossible… », « tu vas te retrouver tout seul… », « les gens sont des moutons, ils n’iront jamais, je ne vais pas me déplacer pour rien… » ; quelle consternation pour moi ! Mes interlocuteurs étaient souvent des individus dans la force de l’âge, sans problèmes économiques majeurs, et souvent sans responsabilités familiales… ce fatalisme généralisé a le don de me faire enrager ; beaucoup font mine de s’émouvoir pour la forme puis retournent à leurs petites affaires. Pourtant, plus de 2 millions de personnes dans la rue et nous aurions pu observer nos gouvernants « en marche arrière ». Je n’ai jamais été un activiste acharné mais cette période est plus qu’inquiétante, l’heure est grave, il y a urgence, nous subissons bien une attaque en règle du modèle sociétal français, et le volet social sera bientôt condamné. Je n’ai jamais été militant d’un quelconque parti et ne le serai sans doute jamais car je ne tiens pas à être responsable d’autre chose que de mes propres idées et de mes convictions personnelles ; cependant je suis prêt à répondre à l’appel pacifique mais déterminé de n’importe quel syndicat, parti, mouvement politique ou citoyen si la lutte me semble légitime, nécessaire et à l'échelle nationale. Honte aux querelles politiciennes égotistes et  stériles qui tétanisent beaucoup de militants !
    Je fais partie de ce groupe de citoyens proscrits qui a choisi de voter blanc au deuxième tour de l'élection présidentielle. Cela m’a valu d’être couvert d’opprobre, comme tous ceux qui ont fait le même choix, par la grande majorité des médias traditionnels pendant l’entre-deux tour. Comment choisir entre  d’un côté, incompétence, obscurantisme et xénophobie et de l’autre « macro-libéralisme » décomplexé (ou « libéralisme mensonger »), double discours et mépris de classe … c’est naviguer de Charybde en Sylla. Macron aura au moins servi de révélateur en faisant appel aux désirs les plus bas de tous ses collègues les plus opportunistes et spécialistes du « retournement de veste » : Pour qui le plus de reconnaissance ?  Pour qui le pouvoir le plus grand ? Qui prépare la « reconversion » la plus attractive dans le privé ? Un nombre impressionnant de députés « translucides » devenus « brillants » à la faveur du coup de baguette macronien.  Cela ressemble à un concours entre ceux qui ont le moins de scrupules,  qui renient le plus facilement leurs principes et oublient le plus aisément leurs engagements passés. Le coup de balai promis ressemble plus à un ballet de petits rats d’opérette. D’ailleurs, pour ceux qui n’auraient pas encore assez de motifs d’indignation, j’invite vivement à lire les ouvrages de Daniel Pascot, Pilleurs d’Etat Tomes 1 et 2, ainsi que l’enquête de Vincent Jauvert publiée en janvier 2018, Les intouchables d’Etat. Dans les deux premiers sont évoqués tous les abus légaux perpétrés en toute impunité par une partie de nos élus ; le dernier dresse un tableau peu reluisant d’une partie  de la haute fonction publique  (cadres de Bercy, conseillers d’Etat, inspecteurs des finances…) entre pantouflage à la limite de la légalité et conflits d’intérêt potentiels… En prenant connaissance de ces informations, si quelqu’un n’est pas révolté du moins intellectuellement contre la caste de nos dirigeants, il mérite bien son sort d’esclave moderne.

    Ces derniers mois, nous pouvons entendre quotidiennement les plaintes de français ayant voté « utile » (expression qui me fait aussi enrager) qui se sentent trahis par ce gouvernement fantoche. Mais ceux qui me surprennent le plus sont les citoyens qui ne s’étaient pas laissés leurrer par la publicité mensongère macroniste : les abstentionnistes, ceux qui ont voté blanc ou nul (environ 16 millions de personnes). Où se cachent-ils ? Pourquoi ne se manifestent-ils pas en masse ? J’ai cru un temps que les abstentionnistes étaient les vrais contestataires, j’ai longtemps hésité à me joindre à eux, pensant avoir identifié un groupe d’individus excédés, à raison, par le fait qu’on leur dérobe la parole, qu’on ne les écoute pas et qui réagissaient par une forme de désobéissance civile réfléchie. Il semblerait en fait qu’ils n’aient juste rien à dire, qu’ils n’en aient rien à faire… peut-être sont-ils résignés, prêts à courber l’échine pour essuyer pendant 5 ans une belle volée de bois vert. Que l’on ne fasse confiance à aucun politicien, je l’entends parfaitement, mais nous ne devons pas pour autant nous laisser marcher dessus par les arrivistes actuels. Allons nous continuer longtemps à nous regarder en chien de faïence en espérant que quelqu’un d’autre fera le nécessaire pour nous ? Il est toujours plus simple d’accuser les autres pour s’excuser soi-même de n’avoir rien fait.  Si montée de violence il y a, comme beaucoup le pressentent, nous en serons tous responsables, nous pourrons toujours détourner les yeux, nous offusquer, condamner… mais c’est notre inertie actuelle qui est la plus dangereuse. Pourtant, nombre d’esprits clairvoyants ont tenté de mettre en garde, de tous temps, contre ces formes de « servitude volontaire », d’ « impuissance apprise » et de « conditionnement à la soumission » qui sclérosent les sociétés humaines : Platon, La République (vers 387 av JC) ; Etienne de La Boétie, Discours de le servitude volontaire (1548) ; Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1754 ) ; Henry-David Thoreau, La désobéissance civile (1849) ; Michel Bakounine, Théorie générale de la Révolution (textes écrits principalement entre 1867 et 1873 et assemblés par Etienne Lesourd) ; Jean Giono, Refus d’obéissance (1937), Stéphane Hessel, Indignez-vous (2010) ;  Noam Chomsky, Requiem pour le rêve américain (2017), … pour ne citer qu’eux. Les théoriciens de renom ne manquent pas et pourtant, la faillite des peuples se répète. Comment expliquer que des individus bien portant qui sentent le sol se dérober sous leurs pieds ne fassent rien pour éviter la chute ? Il est aisé de toujours condamner les dérives, à distance, du haut des miradors, mais rappelons nous que les plus haut perchés sont victimes des chutes les plus brutales. Il ne faut pas espérer se soustraire au marasme ambiant en prenant ses distances, ce n’est qu’une question de temps pour que les membres de la classe moyenne qui croient encore pouvoir surnager ne se retrouvent en apnée. L’asphyxie guette tous ceux qui ne souhaitent pas se lancer à corps perdu dans l’aventure macronienne. Ce joueur de flûte de Hamelin nous mène à notre perte  pourtant je ne pense pas que les citoyens français soient des rongeurs et la majorité d’entre nous a dépassé le stade de l’enfance. Ce président factice a-t-il déjà réussi à annihiler toute idée de solidarité dans cette nouvelle France qui, à force de libéralisme en devient égoïste ?
     Un début d’explication à l’inertie ambiante pourrait être l’importance prise par les réseaux sociaux et la prégnance du numérique. Ces fléaux de notre temps permettent à tous les « énervés de la souris », aux « révolutionnaires du virtuel » de déverser leur fiel sans frein avant de regagner leur vie réelle, tous enchainés au boulet de la résignation. Je doute que la majorité de mes concitoyens soient des « hackers » virtuoses, seules personnes qui peuvent avoir une réelle influence en restant derrière leurs écrans. Pour les autres qui subissent cette nouvelle ère du tout numérique et des réseaux sociaux au lieu d’en chercher les failles, il serait temps de prendre un peu l’air ! La réalité n’est pas que virtuelle, elle s'assombrit tous les jours un peu plus : s’aérer l’esprit ne sera bientôt plus possible si l’oxygène des nouvelles villes connectées qui nous déconnectent vient à manquer. A défaut de ne pas encore faire tomber tous les murs de ces futures prisons dorées, tâchons de rendre plus respirable le peu d’espace de vie qu’il nous reste.
    Il n’y a plus guère que quelques esprits libres, syndicalistes révolutionnaires, militants d’extrême gauche (seuls véritables militants de « gauche », les autres ne sont que des sympathisants de droite qui veulent se donner bonne conscience et s’étouffent en tentant de justifier leurs contradictions) ainsi que des anarchistes pour se mobiliser dans la rue par solidarité. Qu’attendent les autres ? D’être à l’agonie ? Ces français qui acceptent d’être désignés comme des « riens », des « fainéants », des « cyniques », dont on condamne les soi-disant « passions tristes » et autres « névroses » sans qu’ils ne réagissent autrement que par des cris d’orfraies sont peut-être seulement des grandes gueules adeptes des paroles en l’air et des coups d’épée dans l’eau ; ils pensent avoir les pieds sur terre mais il ne faut surtout pas compter sur eux pour le départ de feu.
    Un petit mot aussi pour tous ces pseudo insurgés qui chantent ou écrivent le désarroi  de leurs pairs  pour mieux profiter d’un système qu’ils dénoncent. Je fais ici référence à un grand nombre de journalistes, chanteurs, écrivains, politiciens et autres philosophes qui commentent la misère sociale mais ne daignent pas battre le pavé lors des manifestations, ou encore cette direction de la CFDT et de FO qui mendient les miettes du repas du prince pour faire bonne figure. J’en soupçonne même certains de ne pas souhaiter sincèrement l’éveil généralisé des consciences de peur de perdre leurs petits privilèges (reconnaissance intellectuelle, professionnelle et/ou financière) qui semblent les placer au dessus de la masse. Beaucoup jouent sur le sentiment de compassion ou sur l’idée de bienveillance mais leurs paroles sans actions ne sont que perte de temps.

    Au cours d’une énième discussion j’ai entendu cet argument étonnant : « Mais enfin, il n’y a personne d’autre de plus valable pour diriger le pays ! ». J’enrage encore plus, cette éternelle rengaine du « moins pire » qui nous conduit toujours à choisir au rabais. Ce choix étant d'ailleurs toujours influencé par un traitement médiatique plus que partial. Serait-ce une raison pour laisser les coudées franches à ceux qui ont été les plus habiles pour gagner le pouvoir sans jamais s’intéresser aux demandes de leurs propres concitoyens ? N’est-il pas temps d’inventer collectivement, avec toutes les bonnes volontés une réelle démocratie, un nouveau mode de gouvernance ? La question se pose forcément mais dans tous les cas, la priorité est de mettre un coup d’arrêt à l’entreprise de destruction sociale en marche. Bien sûr cela fait naître beaucoup d’incertitude pour l’avenir ; bien sûr cela implique de changer profondément  nos schémas de pensée et notre manière d’appréhender les relations sociales ; bien sûr cela exige que les plus chanceux sortent de leur zone de confort… mais quel combat juste ! Quel espoir pour les générations à venir !

P.M.



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