Je voterai blanc le 7 mai 2017, c’est ma
responsabilité, laissez-moi au moins cela.
Lettre ouverte à l’ensemble de notre classe
dirigeante : maîtres chanteurs, maigres penseurs et surtout mauvais
« entendeurs ».
Je vais voter, c’est ma manière d’entretenir l’espoir,
peut-être illusoire, d’une « ré-évolution » citoyenne non violente.
Je tiens à dénoncer ici votre campagne de culpabilisation à
l’encontre des personnes qui pourraient choisir un vote blanc, nul ou préférer
l’abstention.
Précisons tout d’abord que je rejette en bloc tout ce qui
de près ou de loin peut ressembler au Front National, jamais je n’ai pensé une
seule seconde voter pour un de leurs représentants. La raison est personnelle,
c’est une question d’éducation reçue, de principes moraux et de convictions. Je
possède la double nationalité franco-espagnole, je suis fils et petit-fils d’émigrés,
c’est donc un déchirement pour moi d’imaginer un tel parti au pouvoir.
Cependant, cette élection est une voie sans issue. J’assume
donc totalement la responsabilité de mon vote blanc et le risque de voir le
pire au pouvoir. Quel que soit le résultat du scrutin, je me prépare à devoir
me mobiliser comme jamais je ne l’ai fait auparavant afin de protéger nos droits.
Pendant combien de temps devrais-je accepter ce jeu
dangereux qui permet la montée insidieuse du FN depuis 15 ans ? J’étais
étudiant en 2002, rien n’a changé, je me suis déjà senti pris en otage lors de
cet ancien vote. Très vite, il a été oublié que c’était une élection par défaut ;
moi je vais marquer à ma manière le défaut de l’élection présente. Les mémoires
sont souvent arrangeantes, la mienne est encore « à vif ». Si votre
réelle prise de conscience est à ce prix, le dépouillement m’imposera le coût
réel à subir. Je ne cèderai pas à la peur cette fois-ci. Dorénavant la coupe est pleine, je ne veux
plus subir cette dictature de votre pensée. Cette pensée qui vise à me faire
passer pour un soutien de ce parti nauséabond alors que je choisis juste de ne
pas participer à votre mascarade : bel exemple d’un glissement vers le
fascisme ordinaire. Je n’appelle personne à faire le même choix que moi, je
demande juste que l’on respecte ma démarche, que l’on me respecte, tout
simplement.
J’entends depuis le premier tour ces appels au vote
« utile », je tiens à vous rappeler qu’en fonction du contexte et des
enjeux, certains crimes abominables peuvent passer pour « utiles ».
En poussant votre principe d’utilitarisme à l’extrême, admettons que dans 10 ou
15 ans le diktat politique « impose le choix » (formule intéressante
qui vous définit très bien) d’un parti d’extrême droite, et bien, si le sort me
permet encore d’être debout, vous me trouverez là, empreint de ma pleine et
entière irresponsabilité en train de nier votre pseudo-évidence.
Vous allez trop loin, je voulais me taire jusqu’à maintenant,
vous m’obligez à me défendre. Vous êtes une nouvelle fois injustes. Arrêtez de
pointer du doigt les individus qui, comme moi, veulent voter blanc, ce n’est
pas une simple réaction de colère déraisonnée. Pour ma part je comprends les enjeux. Oui le
doute m’assaille au quotidien, oui c’est un véritable cas de conscience. Il
m’arrive même d’imaginer un certain soulagement en me projetant après l’échéance du 7 mai et en pensant aux explications possible de
certains de mes concitoyens m’ayant « sauvé la mise » pendant que je
« boudais ». L’avenir seul nous dira si quelque chose peut être
sauvé avec votre candidat, dans tous les
cas, je me tiendrai prêt à résister. Ne me traitez pas comme un enfant capricieux
et boudeur, tentez plutôt de vous occuper de votre enfant gâté.
Pour l’heure je choisis d’arrêter ces calculs
algorithmiques entre le pire, le moins pire, le soupir… Je n’ai aucune envie
d’être militant d’un parti, ou d’un mouvement, je veux rester libre de ma
pensée, cependant je me sens plus proche des idées d’un certain candidat écarté
(je vous laisse imaginer lequel). Vous êtes capable de choisir entre d’un côté,
vous soumettre au parti de la peur, de la haine, du repli sur soi, du fascisme
et de l’autre, vous soumettre à ce mouvement du libéralisme excessif, de
l’aliénation des travailleurs et salariés, de l’interventionnisme mortifère à
l’étranger ? Bravo à vous, vous
êtes sans doute de meilleurs citoyens que moi ; je choisis mon humanisme,
ne pas me soumettre du tout.
Nous sommes responsables de notre vote, pas de
l’accumulation de vos erreurs passées. Vous comptez sur notre bon sens quand
cela vous arrange mais vous méprisez notre intelligence. Vous passez pourtant
volontiers outre notre volonté ; les exemples ne manquent pas :
référendum de 2005, 49:3 divers et variés. Et bien assumez maintenant. Au vu
des agissements et conditions de vie de nombre d’entre vous, vous me semblez
bien mal placés pour en appeler à la morale citoyenne.
Autre ressort de cette culpabilisation : quelle
société laisserons-nous à nos enfants et nos petits-enfants ? Et bien je
répondrais que j’ai moi-même des enfants en bas-âge, je ne peux donc pas
m’offrir le luxe de « m’asseoir » sur mes propres principes, sinon, quel
exemple leur donnerais-je ? Je refuse aussi qu’ils soient obligés de jouer
au même jeu que moi dans 15 ans et qu’ils voient s’étioler leurs espoirs au fil
du temps. C’est maintenant que j’ai la force de me battre pour leur avenir.
Vous utilisez la culpabilité comme arme de destruction de
la conscience collective. Vous jouez à nous faire peur en agitant le spectre du
fascisme sans vous rendre compte que vous jouez avec nos vies mais aussi avec
les vôtres. Il faut savoir qu’une partie de plus en plus importante de vos
concitoyens ne partage pas votre vision du monde et de la France, il est
intolérable de culpabiliser sans cesse le peuple que vous avez si longtemps
aliéné par votre malhonnêteté intellectuelle. Ce peuple ne demande qu’à se
réveiller. S’il vous plaît, cessez d’étouffer notre désir d ‘émancipation
parce que vous croyez savoir ce qui est bon pour nous, rompez avec ce sophisme
qui consiste à confondre notre bien-être et votre confort. Votre soif d’argent
et de pouvoir ne vous rend pas plus méritants ; nombre d’entre nous ne
poursuivent pas les mêmes objectifs que vous mais ne méritent pas pour autant
d’être soumis. Nous voulons juste notre liberté : liberté de penser,
liberté d’agir. Rendez-nous ce droit au bonheur le plus élémentaire que vous
nous avez confisqué depuis si longtemps.
J’espère enfin que vous ne rendez pas votre candidat
responsable seul de la faillite possible de votre entreprise : cette sorte
de mépris des gens du peuple lors de certaines sorties médiatiques hasardeuses,
ces discours alambiqués dont lui-même perd le fil et qui s’avèrent après coup
avoir un double voir un triple sens, cette volonté à peine voilée d’incarner
« une vision » au détriment d’un programme clair et précis…
D’aucuns seront impressionnés par une certaine maîtrise de la langue, par de
nombreuses références littéraires. La connaissance rassure surtout quand on sait
la rendre inaccessible. Qu’en est-il du respect de la simplicité, de
l’honnêteté, de la sincérité ? Ce sont tous ces manquements que je trouve
irresponsable, mais il n’est pas le seul à mettre en cause, il est tout
simplement le meilleur représentant de votre caste à bout de souffle.
Cordialement.
Pablo MOUETTE (simple citoyen,
travailleur indépendant).