En des temps immémoriaux vivait au fin fond
de la forêt un être humain pour le moins atypique. La nature était son élément,
personne ne savait comment il avait subsisté et le seul contact avec des
individus de son espèce, il le devait à deux bonnes âmes : un couple
d’agriculteurs vivant en lisière du bois. Sur les lieux de leurs cultures, le
garçon s’était aventuré par mégarde ou plutôt par attirance pour ce fameux
garde-manger ; les deux propriétaires, empreints d’une grande bienveillance
et voyant le désoeuvrement dans lequel se trouvait ce petit sauvageon, se
prirent d’affection pour lui au point de le considérer comme le fils qu’ils
n’avaient jamais eu. Les premiers échanges furent difficiles car l’enfant avait
une peur panique de toute forme d’enfermement, la moindre clôture lui donnait
des hauts-le –cœur et sous le toit de la chaumière, il ne fallait surtout pas
fermer une seule porte ou fenêtre au risque de provoquer chez lui une crise
d’angoisse. Le sort avait néanmoins doté le couple de sexagénaire d’un bel
instinct et d’une simplicité bénéfique dans l’abord des rapports humains, doués
d’une patience à toute épreuve et à force de répétitions, ils réussirent même à
enseigner à leur jeune protégé quelques rudiments de langage. N’étant pas
passionné par cette activité, il décida d’intégrer un minimum de notions pour
pouvoir s’entretenir plus aisément avec ses bienfaiteurs, il bénéficia aussi de
conseils précieux pour la culture de toutes sortes de denrées alimentaires. Cependant, il préférait tout de même
« vivre » en forêt, seul endroit où il se sentait en réelle sécurité,
il y avait aménagé un petit habitat de fortune à l’entrée bien dissimulée mais
jamais entravée et il prenait beaucoup de plaisir à cultiver comme on le lui
avait appris. Loin de s’offusquer de cette attitude paraissant parfois
inconstante, voyant disparaître le jeune garçon pour des périodes de temps plus
ou moins longues, le couple respecta toujours ce besoin de liberté, ils ne
voulaient surtout pas aller contre la nature de ce petit si attachant. Très sensible à leur attitude, l’affection
qu’il leur portait ne fit que grandir au point qu’il les considéra comme sa
propre famille si tant est qu’il puisse savoir ce que cela représentait, il se
faisait donc un devoir de les aider dans leurs tâches les plus difficiles et
ramenait souvent des cadeaux étonnants qui finissaient toujours par trouver une
utilité certaine. Il semblait doué d’un bon sens instinctif que la vie en
pleine nature permettait de développer, ce qui l’animait par dessus tout était
une curiosité insatiable et un profond désir de comprendre toute chose, l’observation
était une de ses plus grandes passions.
A plusieurs lieux de là, au cœur de la
cité, grandissait un jeune homme en tous points opposés au petit sauvageon, né
dans une famille très méritante aux yeux du Roi : le père était le médecin
personnel du monarque et la mère conseillère spéciale de la Reine. Ces parents ne révéraient rien de moins que
la réussite à tout prix, c’est ce qu’ils tentaient d’inculquer à leur
fils : surtout ne pas se mêler aux gens du petit peuple qui pourraient le
distraire dans son entreprise, ne jamais faire de faux pas dans la poursuite de
ses objectifs de grandeur, ne jamais laisser qui que ce soit briller plus que
soi en société et surtout s’attirer par tous les moyens les bonnes grâces de
tout personnage important pour le royaume. Le malheureux garçon excellait dans
ce domaine et se réfugia dans l’étude avide des textes les plus importants à
ses yeux : la vie des grands hommes, des plus beaux exemples de réussite
et surtout les mécanismes d’accumulation de la richesse matérielle, son domaine
de prédilection. Sa passion la plus
immodérée il la vouait à l’or, seule chose qu’il plaçait au dessus de tout car
susceptible de lui accorder tout ce à quoi il rêvait : succès,
reconnaissance et moyen de toujours en avoir plus.
Il
se révéla si doué qu’il eu une ascension fulgurante, il était reconnu pour son
érudition, sa connaissance de toutes les belles idées pas toujours utiles à
appliquer selon lui mais nécessaires pour être capable de dire à qui que ce soit
ce qu’il voulait entendre. Toutes ces qualités lui permirent d’atteindre une
fonction idéale. Pour avoir un œil sur tout l’or du royaume, il réussit grâce à
ses relations et sa capacité à faire des courbettes en mettant le nez sur le
parquet, à accéder au poste de collecteur d’impôt en chef. Il se révéla
implacable : le calcul était roi, il n’hésitait pas à emprisonner toute
personne qui ne se pliait pas à ses exigences même si celles-ci était souvent
déraisonnables. Pour lui c’était pourtant simple, toute personne tenant debout
devait être capable de toujours donner plus sinon il devenait inutile. Comme
chacun sait, le triomphe et la luxuriance rendent admirable, il semblait donc
très populaire, s’attirant les compliments de tous ceux qui comptaient au sein
du fief royal.
Dans le même temps, notre petit sauvage
devenu plus grand poursuivait sa vie heureuse au contact des différentes
espèces d’animaux sauvages qu’il adorait étudier en s’émerveillant, cherchant,
reproduisant, s’adaptant, s’interrogeant, s’imprégnant, doutant, redoutant,
cogitant, s’endormant, s’éveillant au rythme des saisons. Il adorait surtout
partager le fruit de ses expériences avec ses deux parents d’adoption toujours
ravi de le voir si enthousiaste et épanoui, l’homme était le moins loquace, il
adorait les histoires concernant les prédateurs et les habitudes alimentaires,
quant à la femme, tout aussi attentive à ces questions, elle avait un petit
faible pour la question de l’occupation des territoires et demandait toujours
plus de précisions dans les explications. Elle espérait de cette manière
stimuler son garçon afin qu’il améliore toujours sa capacité à verbaliser ses
pensées, peu utile si l’on vit seul mais inestimable si l’on veut établir un
contact cordial avec ses pairs. Ils auraient adoré accompagner un peu plus leur
fils dans ses aventures mais ils devaient toujours travailler plus afin de se
soumettre à l’impôt du collecteur en chef. D’ailleurs, le jeune homme voyait
les forces et la santé de ses parents décliner petit à petit, il décida donc de
passer plus de temps à travailler avec eux au risque d’abandonner son mode de
vie tant aimé, idée insupportable pour le vieux couple.
Heureusement
en revenant d’une de ses sorties devenues plus rares, il rapporta un minuscule objet
luisant qui changea leur avenir à jamais : une véritable petite pépite
d’or pur. Dès qu’il eu posé l’objet
devant eux, il compris en observant leurs visages que cette découverte était
importante, en bien ou en mal par contre, impossible de le savoir, ils
semblaient osciller entre joie et anxiété ce qui ne manqua pas de le
déstabiliser. Ils lui expliquèrent bien vite que cela leur permettrait de payer
l’impôt mirobolant à venir en espérant que cela n’attire pas trop l’attention.
En apprenant qu’il pouvait disposer d’une quantité importante de ces pierres
reposant sur les berges d’une rivière inaccessible à qui ne connaitrait pas
parfaitement le terrain, ils se demandèrent si une malédiction ne venait pas de
toucher leur famille. Pour ne rien arranger le père tomba malade et ils durent
se résigner à utiliser la pépite pour payer l’envoyé de l’intendant. Quel
étonnement de le voir repartir de chez eux sans un mot et le visage figé en une
expression d’idiote béatitude. Quel intérêt pouvait-on trouver à cette simple
pierre à part sa couleur particulière ? Elle ne permettait pas de creuser
un sillon dans la terre, de faire un barrage ou même d’attaquer un animal pour
se défendre, perdue dans la nature, elle
n’avait pas plus de valeur qu’un vulgaire bout de bois. Pas le temps de pousser
plus loin la réflexion, une heure plus tard ils reçurent la visite de la garde
royale accompagnant le grand collecteur en personne. Celui-ci décida de
s’entretenir avec la famille sans autre témoin.
En
voyant cette satanée pierre atterrir de nouveau sur la table, en repensant à la
quantité d’armes tranchantes entre les mains des gardes dehors et en
considérant les yeux perçants emplis de convoitise de leur principal
interlocuteur, le plus jeunes des hôtes s’avança sans attendre :
« C’est
moi qui l’ai trouvé ! dit-il d’une voix assurée.
-C’est
une découverte très importante que tu as faite, pourrais-tu trouver d’autres
pierres comme celles-là, en grande quantité ? », demanda-t-il en
parlant à voix basse.
Peu
rompu à l’art du mensonge et craignant pour le sort de ses parents, il répondit
instinctivement :
« Oui
mais l’endroit est très difficile d’accès.
-Bon,
soit très attentif à ce que je vais te dire, tu ne devras t’adresser qu’à moi,
notre roi est complètement fou et si tu emploies un mot qui ne lui convient pas
il te fera exécuter ainsi que tes parents. Il est tard donc je vais t’emmener
en tant qu’invité spécial dans ma résidence privée afin que l’on décide de la
marche à suivre. Si tu fais tout ce que je dis tu deviendras très
riche ! Je t’attends dehors.»
Il
se garda bien de répondre qu’il ne savait pas ce que le mot « riche »
voulait dire et laissa l’intendant sortir sans saluer avant d’aller embrasser
ses parents. Tous deux affichaient une mine bien sombre et ils lui prodiguèrent
chacun leur tour des recommandations.
Le
père d’abord : « Les hommes peuvent être plus fourbes que la pire des
vipères, reste toujours sur tes gardes et cherche toujours une issue de
secours.»
La
mère ensuite : « Agis comme le caméléon ou certains papillons, fonds
toi dans ce nouvel environnement, je te connais bien, tu sais t’adapter mais ne cherche pas toujours
la cohérence et la justice, notre monde en manque souvent, parfois il faut
savoir se faire plus idiot qu’on ne l’est pour survivre. »
Après
une brève accolade il sortit sans hâte. A la demande de l’intendant en chef, il
revêtit le même vêtement que les gardes, puis prit place dans le convoi.
Au bout d’une heure ils arrivèrent à
proximité du royaume, premières rencontres avec des habitants de la ville, tous
baissaient la tête à la vue du cortège, signe de respect ou de peur ?
Impossible de le savoir. Ils semblaient presque tous en moins bonne santé que
ses vieux parents et pourtant paraissaient bien plus jeunes ; une odeur
d’urine et d’excréments se dégageait des ruelles, l’ambiance était tout à fait
morose. Une bâtisse relativement anonyme
attira son attention, devant elle était agglutiné un grand nombre de jeunes
gens occupés à observer des feuilles de papier reliées entre elles et toutes recouvertes
de nombreux signes inconnus. Voyant le regard interrogateur de son ignare
invité, l’intendant se pencha vers lui : « C’est la bibliothèque, un
lieu bien utile pour qui ne peut pas s’acheter des ouvrages de qualité mais je
vais jouer de mon influence afin que l’on contrôle mieux les écrits que l’on
peut consulter en ces lieux car les jeunes de nos jours semblent être moins
obéissants qu’avant, ils ne respectent plus rien, je pense que leurs lectures
leur donnent de mauvaises idées ! » Bien loin de l’éclairer, ces
explications ressemblaient à un charabia incompréhensible. Enfin, l’arrivée
dans le quartier de résidence des dirigeants fut encore plus étonnante, personne
dans les rues et une propreté extrême jusque dans les moindres recoins, quels
êtres pouvaient bien mériter un tel traitement de faveur ? Ces gens
devaient être exceptionnels et apporter beaucoup à leur communauté. Les gardes
furent congédiés d’un revers de la main sans aucune considération, aucun d’eux
ne réagit mais le ressentiment était flagrant. Nouvelle interrogation :
ces gens l’accompagnent, semblent le protéger et il ne leur montre aucun
respect, comment est-ce possible ? Décidément s’adapter serait plus
compliqué que prévu.
L’habitation de son hôte était à la mesure
de l’ego de son propriétaire, seule la demeure du roi était plus imposante. Une
sensation de vertige l’étreint à la vue de ces énormes portes et de ces petites
fenêtres, il se demandait si l’air ne viendrait pas à manquer une fois entré
dans ce mouroir, au prix de gros efforts il reprit ses esprits en s’imaginant
au sein de son foyer auprès de ses parents qui avaient réussi à l’accoutumer à
certaines habitudes des hommes. Il fût conduit dans une chambre isolée bien à
l’écart de toute forme de vie humaine, l’intendant amena personnellement de
quoi se restaurer : un peu de pain rassis et de l’eau.
« C’est
bien ce que tu as l’habitude de manger non ? Sans attendre de réponse, il
continua.
-Repose-toi,
demain à la première heure nous repartons tous les deux pour l’endroit dont
nous avons parlé.
-Seuls ?
-Bien
sûr, on ne peut faire confiance à personne de nos jours, le premier envoyé que
tu as rencontré menaçait de te dénoncer au roi, comme je respecte beaucoup les
pauvres bougres comme toi et ta famille, je l’ai fait envoyé en mission à
plusieurs lieux d’ici. Ce n’est pas certain qu’il revienne si tu vois ce que je
veux dire.
-Et
les gardes ? Ils ne nous accompagnent pas ?
-Non,
il y a quelques fortes têtes qui pensent pouvoir penser par eux-mêmes, j’ai
joué de mes relations pour qu’ils soient envoyés au front pour servir de chair
à canon dans la guerre avec le pays voisin, cela leur apprendra
l’obéissance !
-Et
bien, j’espère ne jamais vous contrarier !
-Ah,
ah, ah. Tu apprends vite, contrairement
aux apparences tu ne sembles pas dénué d’intelligence !
-Merci,
répondit-il. Il se demandait pourtant par quelle magie son interlocuteur était
capable de préjuger de l’intelligence de quelqu’un sur la base de simples
apparences. Il s’inquiétait aussi pour tous ces individus qui étaient envoyés
vers un destin funeste, ils n’avaient pas l’air si mauvais pourtant. Quel
environnement ! On pouvait disposer de la vie de tant de personnes par de
simples décisions arbitraires. Dans la forêt, aucun être vivant n’était capable
de tels agissements, les combats pouvaient être inégaux mais on avait le mérite
de toujours pouvoir se battre selon ses moyens. La curiosité l’assaillit et il
ne put réprimer une question :
-Monsieur
le collecteur, pourquoi ce simple caillou est-il si important ?
-Tu
es bien ignorant ! C’est tout simplement la chose la plus importante au
monde, si tu réunis une quantité assez importante de ces « simples
cailloux » comme tu les appelles, tu peux tout réaliser en ce bas
monde : lever des armées pour conquérir de nouveaux territoires, bâtir les
plus grands monuments afin de commémorer les plus grandes réussites, t’assurer
une vie agréable en t’autorisant certains avantages que d’autres ne pourront
jamais s’offrir et mettre en place des stratégies pour que toi et les tiens
puissent profiter de ses avantages sur plusieurs générations ! C’est clair
non !
-Mais,
si on peut mener une vie heureuse en mangeant à sa faim chez soi, quel besoin
y-a-t-il de faire des conquêtes ? Si je mesure moins de 5 pieds, pourquoi
avoir une maison dont le plafond est haut comme trois géants ? Quel
intérêt de garder tant d’avantages seulement pour soi, ne peut-on pas partager
et travailler pour le bien-être de tous ? Voyant les sourcils se froncer,
il arrêta net le flot de questions.
-Quel
idiot tu fais mon pauvre ! Le prestige, la grandeur, cela ne te dit
rien ? Si seulement tu en as les capacités, et à force de travail acharné
tu peux prétendre t’imposer, il existe tellement de gens limités, paresseux, idiots,
infirmes… Ils ont simplement besoin d’être guidés, ils ne méritent pas un
meilleur sort ! Décidément, tu manques cruellement de jugeote, tu
n’arriveras à rien dans la vie mais je t’aime bien quand même… tant que tu me
rapportes de l’or, ajouta-t-il à demi-mot pour lui même. Allez, repose-toi, je
reviens te chercher dans quelques heures, et ne t’en fait pas, je ferme à clé
ta chambre pour éviter qu’il ne t’arrive quoique ce soit. »
Le
collecteur royal regagna ses appartements tout à fait ravi de la tournure des
événements, il avait vraiment affaire à un niais complet. Par précaution il
demanderait à son plus fidèle et sournois collaborateur de les suivre à bonne
distance afin d’intervenir si l’idiot du
village tentait quelque chose d’inconsidéré.
Le
chemin du retour vers la campagne se fit sans un mot. Pour maintenir ses vieux
parents en dehors de tout cela, le supposé ignare modifia à dessein le trajet
le menant au lieu où reposait le trésor. Ils s’aventurèrent dans les sous-bois
par des sentiers vierges de tout passage humain, gravirent des chemins escarpés
et se rapprochèrent d’une falaise au bord de laquelle se présentait un passage
si étroit que le moindre faux pas pouvait conduire à une chute mortelle. Une
autre difficulté était la présence dans les parages d’une tanière de loups,
animaux qui fuyaient les humains le plus possible à moins qu’ils ne considèrent
que leurs petits courent un risque, d’où la nécessité de se montrer très
discret car la louve venait de mettre bas. Dans son élément, le sauvageon pris
naturellement les devants et fit observer une pause :
-Arrêtons-nous,
nous allons devoir prendre quelques précautions…
-Tais-toi,
si nous sommes proches du but, contente-toi de m’indiquer le chemin à suivre, crois-tu
vraiment qu’un imbécile comme toi puisse prétendre me donner des leçons ?
-Mais,
il ne s’agit pas de recevoir ou non des leçons, simplement de faire ce qui est
juste à cet instant, si nous…
-Ma
patience a des limites ! Des observateurs nous suivent à la trace si tu ne
suis pas mes ordres tout de suite, il me suffit de faire un signal pour que mes
gardes soient informés dans les plus brefs délais par un messager et fassent
disparaître ceux qui te sont chers ! »
Bien
sûr, il avait repéré depuis longtemps l’intrus qui se trouvait derrière eux, il
était seul et bien incapable de discrétion, c’est d’ailleurs ce qui était le
plus inquiétant compte tenu du contexte.
Sentant
le vent tourner, identifiant des mouvements inhabituels, percevant des
grognements presque inaudibles, il pointa du doigt l’entrée du chemin tout au
bord de la falaise et se dissimula sans bruit dans la direction opposée. Au
même moment un cri strident se fit entendre, un homme se rua vers eux et tomba
devant le percepteur le bras ensanglanté, à sa suite apparu un loup en position
d’attaque, regard glaçant, crocs apparents ; l’air devint instantanément
irrespirable, le sang se figea, toutes
les certitudes s’évanouirent, l’individu si fier et assuré quelques instants
auparavant ne put qu’esquisser un mouvement de recul qui précipita sa chute.
L’ignorant bien vivant eu juste le temps de voir le corps dévaler et le cou de
son compagnon de route se rompre comme une simple brindille au bord de la
rivière. Il prit alors ses jambes à son cou sans se retourner et laissa l’animal
encore occupé à finir le travail. L’ironie du sort voulu que cet excellent
intendant reposa auprès de l’or qu’il désirait tant.
Auprès
de ses parents, encore haletant il déclara : « Ce personnage ne nous
fera plus de tort, un peu d’humilité ne l’aurait pas desservi ! ». Il
raconta alors ce qui s’était passé depuis la veille. Après une longue
conversation ils arrivèrent ensemble à la conclusion qu’il semblait difficile
d’arrêter les changements, qu’une force immuable opérait et qu’il serait nécessaire
de faire preuve de grandes capacités d’adaptation pour pouvoir préserver leur
mode de vie et leur tranquillité. Beaucoup d’autres viendraient et il était
indispensable de les comprendre pour pouvoir les raisonner.
Le
bon sauvage décida donc de partager son temps entre une vie rêvée proche de la
nature et une vie nécessaire à tenter de comprendre la nature même de l’homme
qui choisissait de vivre de plus en plus en ville, il déclara donc pour
conclure :
« Il
est vrai que n’est pas ignorant qui sait, mais est-il réellement possible de
cesser de vivre dans l’ignorance ? Je ne le saurai sans doute jamais mais je dois quand même chercher une réponse, je vais suivre les signes,
je commencerai donc par la bibliothèque, ces nombreuses feuilles de papier regroupées... ou plutôt ces livres, comme vous dites, je les perçois comme indispensables ! »
P.M.